S’il n’a pas changé le monde, Notre ami le roi a changé le Maroc et accéléré les ouvertures que Hassan II hésitait tant à entreprendre. Il est plus facile de le dire aujourd’hui : ce n’était pas gagné d’avance.
En 1989, le Maroc est en transition, mais une transition spéciale. Il est entre chien et loup. Les années de plomb sont derrière, mais l’ouverture démocratique est incertaine. Tout peut encore basculer et le pays ressemble à un funambule qui peut à tout moment tomber du mauvais côté. Si certains détenus d’opinion ont revu le jour, d’autres, beaucoup d’autres, restent prisonniers. Les bagnes secrets, les plus terribles, ceux de Tazmamart, Kelaât Mgouna, Agdz et bien d’autres, n’existent, comme le dira plus tard Hassan II, «que dans l’imagination de personnes mal intentionnée».
Parmi les nombreux détenus d’opinion, le plus emblématique s’appelle Abraham Serfaty. Le fondateur d’Ilal Amam, noyau dur de l’extrême gauche marocaine, égrène alors sa quinzième année de détention. Avec d’autres compagnons d’infortune, il figure dans le triste hit-parade des plus vieux prisonniers politiques du Maroc et même du monde (un hit-parade conduit par un certain Mandela, à l’époque). Et son épouse, Christine Daure, remue ciel et terre pour faire libérer son mari. Christine vient également en aide à d’autres détenus, ceux de la prison centrale de Kénitra (que l’on désigne habituellement par l’abréviation PCK ou PC Kénitra) et ceux, plus délicat encore, des nombreuses prisons clandestines, notamment dans le sud du pays.
Par Karim Boukhari
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