Prolétaire autodidacte, biberonné aux écrits de Marx, Abdallah Mounasser était un syndicaliste et un militant révolutionnaire, qui s’est battu bec et ongles pour les siens. Au point qu’il a fini par le payer de sa propre vie. Retour sur une affaire houleuse, dont l’entière vérité n’a jusqu’à aujourd’hui jamais émergé.
Un corps sans vie flotte dans les eaux du port d’Agadir. Le cadavre a été aperçu au petit matin du 30 mai 1997 par un badaud français qui se promenait dans le coin. A peine la police avertie que, déjà, en ville, la nouvelle se répand comme une traînée de poudre. D’autant que la dépouille repêchée, méconnaissable, est ligotée et porte de nombreux stigmates, difficilement imputables aux seuls effets de l’eau et du mécanisme naturel de décomposition. Avant d’être jeté à l’eau, l’homme a forcément été torturé. Mais pourquoi ? Et par qui ? Au sein du lotissement pour marins-pêcheurs, qui jouxte le port, la famille Mounasser et leurs proches ont un très mauvais pressentiment. Leur héros local, Abdallah Mounasser, figure de proue de la lutte syndicale des marins-pêcheurs, a disparu depuis trois jours déjà. Tout le monde le savait harcelé, traqué, menacé… Et si Abdallah avait fini par être assassiné ? Pour la famille Mounasser, le lourd pressentiment devient une intime conviction, inexplicable mais bien réelle.
Qu’avait donc de si spécial Abdallah Mounasser pour être torturé à mort ? Lui, simple fils de pêcheur amazigh, né en 1959 dans la cité ouvrière d’Anza. Lui, devenu marin-pêcheur dès l’âge de seize ans, dont le parcours scolaire s’est arrêté à l’école primaire. Le truc en plus de ce « prolo », c’était le goût de l’engagement, qui ne lui est pas venu de nulle part, mais de son père. Un homme engagé en son temps pour les droits des travailleurs au sein du défunt syndicat Forces Ouvrières, au point d’être arrêté par la police en 1979, date à laquelle Abdallah rejoint également le même syndicat.
Par Nina Kozlowski
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