Aujourd’hui célébrée avec faste, la fête du trône était pourtant à peine tolérée au temps du Protectorat. Créée en 1933 et officialisée l’année suivante, cette cérémonie devient un symbole pour les premières aspirations nationalistes. Organiser et célébrer la fête du trône relève alors du militantisme.
Faire discrètement la fête. Telle est la consigne livrée par le Protectorat à partir du 16 novembre 1934, date de sa première célébration officielle. A cette époque, les autorités françaises font face à un dilemme. Comment refroidir les velléités nationalistes marocaines naissantes tout en évitant des émeutes généralisées dans le pays ? La réponse est un savant mélange entre compromis et répression. Le début des années 1930 est celui de l’émergence d’une conscience nationale ainsi que des premières actions de résistance contre la politique coloniale française au Maroc. Les personnes à l’origine du mouvement ne revendiquent pas encore l’indépendance du royaume mais militent pour une gouvernance plus juste à l’encontre de la population marocaine, qualifiée alors d’« indigène » par le colonisateur. Leur stratégie est largement influencée par des mouvements nationalistes et panarabistes très actifs au Proche et Moyen-Orient. Ce modèle, incarné par l’intellectuel druze libanais, Chakib Arsalane, est appliqué au Maroc pour la première fois à l’occasion de la publication du dahir dit « berbère » par le Protectorat en mai 1930. Farouchement opposés à cette réforme qui visait à soustraire les populations amazighes à la juridiction chérifienne traditionnelle, les nationalistes de la première heure livrent leur première bataille politique. En effet, le «dahir berbère» n’est abrogé qu’en 1956, après l’indépendance. Entre-temps, le Mouvement national naissant s’aguerrit. Plus offensifs, les nationalistes ne procèdent plus en contre-attaque. L’heure est désormais à l’offensive. C’est ainsi qu’ils imaginent une fête nationale susceptible de cristalliser la conscience collective des masses populaires. L’idée est inspirée d’Egypte, lorsque le parti Al Wafd, alors en prise avec l’occupation britannique, instaure ‘Aïd Al Joulouss’, soit la fête du trône.
Par Sami Lakmahri
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