Les dynasties aristocratiques marocaines se sont bâties sur de vastes alliances tribales, toujours fluctuantes, jusqu’à l’émergence d’une légitimité transcendante. Cette dynamique va finalement se heurter au colonialisme.
Depuis des temps immémoriaux, la tribu d’Afrique du Nord, son essence, son contenu sociopolitique et anthropologique, ainsi que sa pérennité historique, ont été l’objet de beaucoup de récits (des Egyptiens, des Grecs et des Romains, des musulmans…). Encore aujourd’hui, elle est étudiée par les auteurs contemporains, issus de plusieurs disciplines et de divers horizons culturels. La tribu est considérée comme la trame humaine et la structure historique qui a pu traverser au moins trente siècles. Ces auteurs décrivaient la population amazighe comme une mosaïque de tribus guerrières et très attachées à leur indépendance. Elles sont farouches, difficiles à vaincre et à soumettre (d’où le nom amazigh, libre). Certaines de ces tribus sont sédentaires, pratiquant l’agriculture et l’élevage autour des rivières et des oueds : ce sont les masmouda (pluriel imsmouden), dont le nom signifie «les semeurs».
D’autres sont restées liées à la vie pastorale et vivent au rythme de la transhumance, au gré des saisons. Ce sont les sanhaja, adaptation à la phonétique arabe du mot amazigh iznagen (singulier aznag), soit les «passeurs de troupeaux». Le troisième groupe de tribus est appelé les zenata, de iznatten, c’est-à-dire les éclaireurs qui devancent le groupe, à la recherche de nouveaux espaces et pâturages où la tribu s’installera, temporairement ou définitivement, selon les forces en présence.
A l’origine, une démocratie amazighe ?
L’évolution historique de l’ethnie à la tribu (entité plus importante en nombre, donc en force) va mettre beaucoup de temps à se réaliser dans des conditions de disettes, de famines et de guerres tribales, alors que les techniques et le savoir pratique restent rudimentaires et archaïques. La logique de domination et de conquête reste la seule voie de l’intégration. Ainsi bon nombre d’auteurs expliquent la constitution des grandes confédérations tribales du Moyen Âge (citées plus haut) ou récentes (Aït Atta, Aït Yafelmane, Beni Maaqil…) par l’existence d’un noyau central dominant et catalyseur qui pousse dans le sens de l’intégration, pour pouvoir faire face au défi des ennemis. Onconstitue alors un bloc basé sur les liens du sang (vrais ou supposés) et d’appartenance ethnique, ou bien sur les exigences dictées par les circonstances.
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Par Mohammed Oujamaa
Historien, professeur à l’université de Marrakech et spécialiste des tribus et du Makhzen, Mohamed Oujamaa a publié entre autres Tribus et seigneurs du Sud marocain dans l’encyclopédie El Maalama.