Il est encore difficile d’estimer leur nombre, de les situer sur la carte ou encore de mesurer leurs importances dans l’Histoire du Maroc. Mais les villes disparues ont bel et bien existé et certaines ont bien voulu nous laisser quelques traces de leurs mystérieuses influences. L’historien Ahmed Tahiri est l’un des rares à s’être penché sur leur sort. Il nous révèle dans cet entretien le résultat de ses recherches et estime que leurs poids a été trop négligé dans la compréhension du Maroc médiéval. Aperçu d’un monde trop longtemps enfoui…
À quel point explorer le champ des villes disparues est-il important ?
Le sujet des cités disparues est à mon sens l’une des plus grandes lacunes dans le domaine de la recherche sur l’Histoire du Maroc. Et il est crucial pour comprendre non seulement l’évolution du tissu urbain dans le passé, mais aussi pour nous permettre de percer quelques secrets des profondeurs de la civilisation marocaine. Etudier l’histoire de nos villes en général permet de se défaire de certains clichés qui font du Maroc un pays essentiellement rural. C’est vrai qu’il est devenu ainsi, mais cela n’a pas toujours été le cas, surtout durant la première partie du Moyen Âge, où l’urbanisme était plus développé par rapport à d’autres territoires de la région méditerranéenne. Les recherches dans ce domaine tendent à prouver que nous avons largement sous-estimé le poids des villes dans notre Histoire.
Pensez-vous que cette thématique soit sujette à une quelconque idéologie chez les historiens ?
Je ne dis pas cela. Ce qui est factuel en revanche, c’est que l’historiographie française et celle du Protectorat par exemple, s’est davantage concentrée sur l’Histoire antique du Maroc. Dans le domaine des villes, leurs efforts se sont donc plus portés sur cette période. C’est un constat et non une critique. C’était leur choix car ils estiment êtres les héritiers de la civilisation romaine. Je regrette néanmoins que des générations d’historiens marocains n’aient pas osé sortir un peu des sentiers battus.
Propos recueillis par Sami Lakmahri
Lire la suite de l’interview dans Zamane N°137