Partie de rien, parfois considérée comme une folle, elle était pourtant destinée à devenir l’une des plus grandes artistes-peintres du 20ème siècle. Retour sur l’itinéraire exceptionnel de Chaïbia, une amoureuse de la nature et des couleurs, touchée par la grâce.
« On me traitait de msettia (folle). J’étais dingue de coquelicots et de marguerites. On me trouvait bizarre, mais ça ne m’empêchait pas de me couvrir de fleurs. Comprends ça, c’est important. Ne pas avoir peur d’être bizarre. Est-ce que tu saisis? ». Dans les Chtouka, commune rurale de la province d’El Jadida, Chaïbia est née avec l’âme champêtre. Un petit chiot dans les bras, une couronne de fleurs dans les cheveux, elle a parcouru les champs et les pâturages de son village, comptines au bout des lèvres, accompagnée par le chant des oiseaux. Un peu lunatique, un peu mystique, la nature était son terrain de jeu et son refuge. Sa famille, notamment un oncle, ne supportait pas de la voir couverte de fleurs ; Chaïbia était traitée de «folle», de «gamine habitée» et souvent frappée. «Je m’enfuyais. Je m’évanouissais dans les meules de foin. Je crois que tu ne sais pas ce que c’est de t’enfouir dans une meule de foin alors qu’il pleut une pluie fraîche. Tu retrouves ça dans tous mes tableaux», dira-t-elle un jour à la sociologue Fatima Mernissi.
Par Nina Kozlowski
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