D’abord conçu comme une forme d’orthodoxie et de culte voué aux pères fondateurs, le salafisme a emprunté divers chemins et subi des mues, à travers le temps, pour aboutir, entre autres, au takfirisme. Retour sur une évolution aussi complexe qu’énigmatique.
Dans la bouche du Premier ministre français, Manuel Valls, le salafisme, sans même une épithète, est honni. Il renvoie à la violence, à la haine et à la dévaluation de la femme. Dans l’imaginaire musulman, jusqu’à une génération en arrière, le mot n’avait pas la connotation péjorative qu’il a aujourd’hui en Occident et chez ses alliés. Il signifierait plutôt l’orthodoxie et s’apparenterait, mutatis mutandis, au protestantisme dans le monde chrétien : un retour à l’orthodoxie, un apurement et un élagage. En témoigne, au Maroc, cet effort subreptice de différents courants qui essaient de récupérer le vocable. Une tendance de gauche, sous les auspices du Centre Aït Idder, qui organise, en juin 2013, un colloque sur « le salafisme éclairé » et sa figure de proue Mohammed Belarbi El Alaoui. En avril 2015, c’est plutôt l’Etat, par le truchement du Conseil supérieur des oulémas, qui se revendique du salafisme. Le 28 mai dernier, c’est le Parti de l’Istiqlal qui organise un colloque sur le salafisme, en renouant avec l’héritage de l’éminence grise et fondateur du parti, Allal El Fassi.
Cette bataille sémiologique s’explique par le glissement sémantique du vocable, qui s’enrichira au fur et à mesure d’une série d’épithètes, salafisme traditionnel, clérical, jihadiste, takfiriste et autres attributs. En Occident, on a plutôt tendance à ignorer les attributs et à mettre le tout dans le même sac, par simplisme, commodité, voire ignorance.
Par Hassan Aourid
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