De son vrai nom Mohamed Tafraouti, Farid Naimy a tout connu : la résistance, la torture, l’exil…et le système D. Hommage à un self made man, passé sans transition des usines aux amphithéâtres.
L’homme était une icône pour une génération d’étudiants à Paris. Cohn-Bendit et Sartre devaient subir ses joutes en 68. Cet émigré qui parlait le français avec un fort accent chleuh, tournait en dérision les deux grandes figures de la contestation estudiantine. Pour la légende, Farid Naïmy aurait tenu les propos que voici : «Sartre est un grand philosophe, mais un piètre politicien». Pour les faits, Naïmy interpelle le grand philosophe : pourquoi celui qui a consacré un livre de bonne facture sur la question juive, n’a jamais daigné écrire une ligne sur la question palestinienne ?
On se rappellera aussi ses chahuts, au collège de France, dans le cours de Raymond Aron à qui il posait toujours la même question… sur la question palestinienne. Agacé, Aron finit par le faire sortir de l’amphithéâtre. Naïmy était une légende vivante dans ce foisonnement que connaissait Paris des années 1960 et 1970. Un émigré, entendez un ouvrier qui côtoie le cénacle de la pensée et qui tient tête à ses grandes figures. C’était du temps où on pouvait exciper de cette communion entre prolétaires et intellectuels. Farid Naïmy, de son vrai nom Mohamed Tafraouti, né en 1937, a forgé sa conscience politique à Casablanca, aux années 50, dans le giron de la résistance. Emigrant à Casablanca, venant de l’Anti Atlas, d’Issafen, non loin de Tata et de la tribu Aït Ouna’im (d’où plus tard son nom Naïmy), il devait vivoter dans la grande métropole de menus travaux. Mais la résistance l’avait happé… Comme tout patriote de l’époque, il militait pour l’indépendance de son pays et le retour du sultan. Mais c’était dans les arcanes du parti de la Choura de Belhacen El Ouazani qu’il militait aux côtés de grands noms, tels Mohammed Cherkaoui, (signataire du traité de l’Indépendance et futur ministre des Affaires étrangères), Ahmed Bensouda (futur conseiller de Hassan II) et Ahmed Maaninou (grand alem).
Par Hassan Aourid
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J’ai eu le privilège d’écouter l’une de ses interventions lors d’une AG de l’UNEM à Paris vers la fin des années 70. J’ai découvert un grand militant, sincère et sympathique. Pétri de qualités humaines. Mais ce qui me faisais le plus plaisir chez lui, c’est le fait qu’il critiquait les positions de certains gauchistes de l’époque (Ila Al Amam, 23 Mars) les taxant d' »ouvriérisme ». Le comble chez quelqu’un qui avait commencé sa vie en tant qu’ouvrier !