L’OCP entre dans le cercle fermé des entreprises marocaines centenaires. À la différence près que sa vocation première est de tracter l’économie nationale. Un enjeu à la taille de l’énorme potentiel de l’office. Bref passage en revue d’une histoire à trois chiffres…
Le 7 août 2020, l’OCP peut officiellement clamer son centenaire. Depuis les origines, cette compagnie pas comme les autres, est une affaire d’Etat. Un statut qu’elle porte d’ailleurs dans son titre chérifien. Le potentiel est tel, que l’Etat a tôt fait d’écarter l’appétit des entrepreneurs privés et de réguler ainsi ce qui devient rapidement la principale richesse naturelle du Maroc. C’est Hubert Lyautey, premier résident général du Protectorat qui va s’y employer. Mais la partie n’était pas gagnée à l’avance. Car bien avant la promulgation du dahir officialisant la naissance de l’OCP le 7 août 1920, les convoitises s’aiguisent. Ce sont d’abord les scientifiques du début du XXème siècle qui vont faire une révélation capitale dans l’Histoire du pays. En 1905, des traces du minerai dans les environs d’Imintanout, non loin de Chichaoua. Dans son ouvrage «Géologie des gîtes minéraux marocains», le géologue français Jules Agard annonce d’emblée la couleur : «Les gisements de phosphate marocain se sont révélés d’une exceptionnelle richesse, tant par la teneur de leur minerai, beaucoup plus élevée que celle des autres gisements nord-africains et des autres gisements connus, que par l’énormité de leurs réserves qui ouvraient un avenir quasi illimité à leur exploitation». L’expert ne croit pas si bien dire au point que plus d’un siècle après, l’OCP est au sommet du marché mondial du phosphate. Cette vocation à l’internationale, véritable ADN de l’entreprise, est présente dès les années 1920. L’OCP est clairement destiné à être la locomotive de l’économie marocaine. Pourtant, dès les années 1930, la Grande Dépression américaine contamine rapidement le reste du monde. Le Maroc et l’OCP encaissent également le coup.
En 1930, ce sont 1750 tonnes de phosphates qui quittent le Maroc, principalement vers l’Espagne ou le minerai brut est traité. Mais au passage de la crise, cette production chute à 900 tonnes dès l’année suivante. L’historien René Gallissot précise, dans une étude consacrée, les conséquences de cette dévaluation : «La baisse de l’exploitation des phosphates supprime une part des ressources : l’Office des phosphates contribuait pour 1/5 à l’actif du budget. En 1932, les prévisions attendaient un apport de 83 millions, il fut de 27». L’entreprise s’en relève mais doit attendre l’indépendance en 1956 pour s’ouvrir de nouvelles perspectives. Jusque là, l’office se cantonne pratiquement à l’exploitation du phosphate brut, domaine dans lequel il atteint un remarquable savoir-faire en la matière. Avec la libéralisation du pays et une confiance retrouvée, l’entreprise voit de nouvelles perspectives se profiler. C’est le début de l’ère de la chimie pour l’OCP. En décembre 1961, Hassan II, intronisé depuis quelques mois, ordonne la construction du complexe industriel «Maroc Chimie» dans la ville de Safi. Cette nouvelle ère constitue un tournant majeur dans l’histoire de l’OCP. Elle permet au royaume de ne plus simplement exporter le phosphate brut, mais de le transformer en dérivés, en premier lieu en engrais pour l’agriculture. Le dernier jalon d’une modernisation inévitable pour l’OCP se produit en 2008, lorsque l’entreprise change de statut juridique en devenant une Société Anonyme. Aujourd’hui, l’OCP est un mastodonte au cœur de l’économie marocaine et représente également un enjeu majeur pour la sécurité alimentaire mondiale, un rôle devenu capital en cette période d’incertitudes.