Les temps sont durs, les sécheresses de plus en plus rudes et le Maroc s’interroge sur sa capacité à répondre aux défis climatiques à venir. Des éléments de réponse sont sans doute à chercher dans l’Histoire. Grigori Lazarev, grand spécialiste du royaume et de son histoire agricole et sociale, décrypte pour nous les enjeux imposés par les aléas climatiques sur les différends pouvoirs au Maroc. Depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours, les leçons tirées des épisodes de crises climatiques n’ont jamais été aussi précieuses…
Le Maroc a récemment reconnu être victime de la plus grave sécheresse depuis au moins 40 ans. Quelles en sont les conséquences à l’ère de la mondialisation ?
Confronté à la crise de 2022, le gouvernement a recours aux méthodes éprouvées d’importations ciblées et de soutien aux consommateurs. Mais cette année, les ajustements vont être très difficiles. Le contexte de mondialisation des marchés sur lequel se sont fondées les politiques d’importation et de soutien des prix est en train de voler en éclat avec la guerre en Ukraine, où se confrontent deux des grands producteurs mondiaux des céréales. Les prix à la bourse de Chicago ont monté en flèche et il est certain que ces hausses vont affecter les pays importateurs les plus pauvres. Ces dernières années nous ont montré les spectacles désolants des famines qui touchaient le Soudan, l’Ethiopie et bien d’autres pays martyrisés. Il s’agissait de crises localisées dont le PAM (Programme alimentaire mondial) et les aides internationales parvenaient plus ou moins à contenir les désastres. Mais cette année, l’enchainement des évènements annonce une accumulation de risques qui pourrait annoncer une crise alimentaire mondiale.
Le changement climatique global accroit-il ses risques ?
On sait, depuis des siècles, que les sécheresses sont un phénomène climatique récurrent au Maroc. Les agriculteurs disaient qu’une année sur cinq était mauvaise. Aujourd’hui, cependant, on constate que le changement climatique, annoncé depuis plusieurs années par les scientifiques, a en effet «aridifié» le climat et que les périodes de pénurie des pluies ont désormais un caractère structurel auquel il faudra savoir s’adapter. Le défi est immense et il est difficile de prévoir les conséquences sociales et économiques des déficits qui en résulteront sur la sécurité alimentaire. Jusqu’à maintenant, les politiques ont permis de réduire leurs effets. Les importations de céréales des pays tempérés à forte production, et des mesures de soutien des populations les plus gravement touchées ont été suffisantes pour éviter les famines, le renchérissement excessif des denrées et pour apporter suffisamment de nourriture pour contenir les pertes du cheptel. Il n’en reste pas moins que les variations du PIB, le principal indicateur économique, n’a pas cessé de montrer la sensibilité de l’économie nationale aux variations des conditions climatiques.
Propos recueillis par Sami Lakmahri
Lire la suite de l’interview dans Zamane N°138