Retour sur la vie et le parcours de cette grande Marocaine, dont la personnalité complexe a marqué tous ceux et toutes celles qui l’ont approchée.
Grande a été notre émotion à l’annonce de la mort de Fatéma Mernissi, nous ses amis, ses collègues, ses proches et ses admirateurs, mais aussi, je pense, avec nous, tous ceux qui ont suivi sa carrière dans le monde entier, en Amérique, en Europe, dans les pays du Maghreb et du Moyen-Orient, où elle était connue et appréciée.
J’ai eu personnellement beaucoup de mal à réaliser que Fatéma Mernissi ne soit plus parmi nous, car elle avait acquis dans nos vies une place naturelle comme symbole d’un idéal d’engagement social, de rigueur, mais aussi de beauté et d’élégance. Elle avait sur la vie et le monde un regard souriant et tranquille, plein d’ironie mais aussi de bienveillance, ne recelant ni hâte ni fébrilité. Elle avait une joie de vivre contagieuse, parce que sans avidité, une joie qu’on lisait dans ses grands yeux et sa voix claire et harmonieuse, une joie qui rayonnait d’elle dans l’amitié sincère et le partage. Elle avait une générosité qu’elle savait répandre avec tact et discrétion. Sachant déceler en chacun ce qu’il avait de meilleur, elle avait le don de le faire ressortir et valoir avec simplicité. Avec un art qui lui était propre, elle provoquait la réflexion par des idées de prime abord étranges ou paradoxales mais qu’elle savait présenter de manière séduisante qui emportait toujours l’adhésion. Elle avait aussi beaucoup d’exigence et de rigueur, dans le travail et dans ses relations avec les autres, dans le monde qu’elle avait réussi à créer, un monde à elle, intellectuel et social, dont elle gardait soigneusement l’accès, et qu’elle n’ouvrait qu’à un petit nombre de gens choisis. Sa renommée internationale et nationale était telle qu’elle aurait été envahie si elle n’avait pas pris des précautions pour se protéger. Mais si elle le faisait avec fermeté, elle y mettait aussi beaucoup de tact, et dès qu’elle ouvrait sa porte à quelqu’un, l’accueil était toujours des plus simples et des plus chaleureux.
Par Abdesselam Cheddadi
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