Feu Abderrahmane Saïdi, ancien ministre de la Privatisation, me raconta un jour qu’il avait acheté un lot d’œuvres d’art constitué essentiellement de peintures. Comme il avait créé une galerie et une maison de vente à Casablanca, il comptait revendre ces œuvres. Il avait alors demandé à un artiste, qui lui avait prouvé qu’il était expert en matière d’œuvres d’art, de lui expertiser le lot en question. L’expert se penche sur la question et délivre des certificats d’authenticité au ministre marchand d’art. Dans le lot, il y avait des noms importants, d’autres moins, mais vu les prix, comme me le précisait mon interlocuteur, il croyait avoir fait une bonne affaire.
Un jour, au terme d’une conversation téléphonique avec feu Hassan El Glaoui, Saïdi lui demande s’il pouvait venir le voir dans son atelier. L’artiste accepte et invite donc notre marchand d’art. Abderrahmane Saïdi voulait faire la surprise à Hassan El Glaoui en lui montrant un de ces tableaux, qu’il avait peut-être vendu quelques années auparavant. Le marchand débarque chez l’artiste, le tableau de ce dernier sous le bras. Il l’exhibe avec fierté et, grande surprise ! C’était une copie de facture moyenne, mais le tableau n’était pas de Glaoui. Il était bien l’œuvre d’un faussaire peu habile.
Dépité, notre marchand revient dans sa galerie, embraque les œuvres achetées et expertisées et s’en va frapper à la porte des artistes encore vivants. Aucune œuvre n’était authentique. Saïdi s’insurge contre le vendeur qui s’était présenté comme collectionneur discret avant de s’avérer plutôt un bandit clandestin, mais se tourne surtout vers l’artiste expert. Comment a-t-il pu délivrer un certificat d’authenticité pour des copies de mauvaise qualité par-dessus le marché ? Il découvre enfin qu’un certain nombre de personnes, artistes, critiques d’art et galeristes, vrais ou faux, se présentaient au tribunal avec on ne sait quels documents ou arguments, demandent un certificat d’expertise et deviennent, du coup, juges en matière d’art au Maroc.
Saïdi a réussi à récupérer son argent et à rendre la camelote à ses propriétaires et les certificats d’authenticité à celui qui les a délivrées, et le dossier était clos. Mais combien de personnes ont été arnaquées de la sorte ? Ne parle-t-on pas d’œuvres fausses vendues à des institutions prestigieuses ? Ou à des personnalités illustres ?
Heureusement que les instances de l’État viennent de prendre l’affaire en main. La première semaine de février 2024 eut lieu une réunion entre le ministère de la Culture, la Fondation des musées du Maroc et le Parquet pour mettre en place un arsenal juridique susceptible de protéger les œuvres des agissements des faussaires.
Les législateurs auront-ils à inclure des mesures contre les experts qui épaulent les faussaires.
Je le dis car la contrefaçon est un système qui fonctionne avec des peintres faussaires qui travaillent en solidarité avec certains marchands et les soi-disant experts.
Par Moulim El Aroussi