A la fin du XVIIIe siècle, dans un Maroc livré à l’insécurité, le sultan Mohammed III préfère mettre sa fortune à l’abri en Europe.
Au temps du sultan Sidi Mohammed Ben Abdellah (Mohammed III, c.1720-1790), contemporain des Lumières européennes, les relations maroco-portugaises étaient déjà cordiales. Mohammed III avait même une grande amitié pour le roi Don José Ier. Quand il apprend sa mort, en 1777, il envoie une délégation officielle à Lisbonne pour présenter les condoléances du Maroc et ses vœux pour la nouvelle reine, sa fille, Doña Maria Ière. Un notable rompu aux missions diplomatiques est nommé à la tête de cette délégation : Haj Abdelmajid El Azrak, pacha de la région Taza, qui a déjà séjourné à Madrid pendant 11 mois auprès des autorités espagnoles. Il quitte Meknès le 27 septembre 1777 et prend la mer à Salé le 8 octobre avec un secrétaire, deux domestiques, trois esclaves, et un Portugais, Manuel de Bountch. Il embarque avec lui des cadeaux, dont des lions, des tigres et des autruches. Bien accueilli au Portugal, il y restera jusqu’au mois de février 1778. Durant ce séjour, l’ambassadeur visite un certain nombre de fabriques, notamment l’unité de frappe de la monnaie portugaise, dont les techniques et l’organisation l’impressionnent. Il sollicite de la reine l’autorisation d’exporter le savoir-faire portugais. La reine du Portugal fera plus, envoyant avec lui, comme cadeau pour le sultan, des techniciens et quatre grandes caisses contenant le matériel nécessaire à la frappe des monnaies. La mission technique portugaise séjourne au Maroc pendant environ 18 mois, objet des plus grands soins.
Fuite de capitaux
Au début de 1779, le Maroc connaît une grande famine à cause d’une disette doublée d’une invasion de criquets. Le sultan importe alors différents vivres d’Europe – et bien entendu du Portugal. Mais la crise et les pénuries qui s’ensuivent mettent le pays en état d’insécurité. C’est peut être pour se prévenir des pillages en cas de révoltes, que Mohammed III décide alors de mettre ses trésors à l’abri en Europe. Il expédie des sommes d’argent importantes vers l’Espagne, Venise et le Portugal pour qu’elles y soient déposées. Les convois s’organisaient en secret, les caisses noyées dans des amas de sacs vides, donnant l’impression qu’on allait seulement chercher sur la rive nord les vivres manquants au Maroc.
Par Otman Mansouri
Historien, auteur d’une thèse sur les relations maroco-portugaises
Lire la suite de l’article dans Zamane N°4