Quarante ans après, le conflit du Sahara n’est toujours pas résolu. Des hommes ont donné leur vie, d’autres sont restés handicapés, beaucoup n’ont pas vu grandir leurs enfants, ni assisté à l’inhumation de leurs proches, décédés pendant leur absence. Un capitaine courage, 26 ans dans les geôles du Polisario et de l’Algérie, raconte son calvaire et celui des autres. Saisissant.
Je suis présumé né le premier janvier 1947 à Douar Berram, à quelque cinq kilomètres de Midelt. Jusqu’à l’âge de sept ans, j’ai grandi dans mon village tout en suivant l’école coranique. Après avoir passé une année sur les bancs de l’école du Protectorat, je signifie à mon père que je ne souhaite pas poursuivre les études. Vers l’âge de 8 ans, je deviens berger, pour surveiller les chèvres de mon grand-père. Finalement, au bout de deux ans, je réintègre l’école de Midelt. C’était à l’aube de l’indépendance et les Français commençaient à quitter la région pour s’installer en Algérie. Je me souviens de mon instituteur qui, lors de mon arrivée, et voyant que j’étais plus âgé que mes camarades, m’accueille ironiquement : « Assieds-toi au fond de la classe, ça fera un voleur de moins dans les rues ». Cette remarque blessante n’a pas été anodine dans mon parcours. Bien au contraire, elle m’a permis de m’investir totalement dans les études au point de me présenter, au début des années 1960, à l’école nationale d’agriculture. J’intègre cette prestigieuse institution en 1965, l’année des troubles politiques dans le pays, et qui fermera d’ailleurs ses portes à cause de cette agitation. C’est ainsi que je rejoins l’Académie royale militaire. Ce qui paraît n’être qu’un concours de circonstance ne l’est pas vraiment. Bien qu’assidu dans mes études d’ingénieur agricole, j’ai toujours eu l’idée de servir mon pays. A l’époque, réaliser un tel idéal passe forcément par l’armée. A la campagne, nous avions tous vécu la Guerre des sables (octobre 1963) avec une passion patriotique à toute épreuve. C’est d’ailleurs durant ce conflit que j’entame ma réflexion et me sens prêt à prendre les armes s’il le fallait. En 1968, j’obtiens le baccalauréat au lycée militaire de Kénitra. Grâce à mes bons résultats, je bénéficie d’une bourse pour poursuivre mes études en classes préparatoires au lycée Carnot de Dijon en France. Au bout de 10 mois, je rentre au Maroc pour faire partie de la première promotion de l’école de Marrakech, d’où je sors avec mon diplôme d’ingénieur en aéronautique. En 1972, j’atteins le grade de sous-lieutenant et obtiens mon brevet de pilotage. Là encore, je retourne en France, à Tours, pour suivre une formation de pilote de chasse de quelques mois, car je faisais partie des meilleurs de ma promotion. La suite de ma carrière semble tracée.
Propos recueillis par Sami Lakmahri
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