Le règne de Moulay Hassan, dit Hassan 1er (1873 – 1894) a été décisif. Le sultan abattit ses dernières cartes pour tenter de préserver la souveraineté du royaume. Zamane revient sur cette transition qui est aussi celle, ô combien difficile, entre une tradition archaïque et une modernité attrayante mais porteuse de tous dangers.
Le sultan Moulay Hassan ben Mohamed est le premier souverain marocain à hériter de deux défaites majeures dans l’histoire de l’Empire chérifien. Isly (1844) et la Guerre de Tétouan (1860). Triple déconfiture à la fois militaire, spirituelle et socio-économique. Si l’idée de religiosité est pratiquement absente du chef des Occidentaux, elle est omniprésente dans celui des Marocains. Si la France ou l’Espagne, en ce milieu de XIXème siècle, réagissent en grande partie au concept de nation et de patrie, dans le monde arabo-islamique, et plus spécifiquement au Maroc, ce sont les idées de Dar al-Islam et de Oumma qui prévalent. Une notion transfrontalière, transnationale et universelle. Aussi se figure-t-on de Fès à Baghdad en passant par Le Caire, l’image de l’ennemi comme étant un mécréant chrétien. Il porte en lui d’abord et avant tout une menace de souillure pour les terres d’Allah et de son Prophète. Nous sommes dans une sorte de transnationalisme religieux ou plutôt un transterritorialisme arabo-musulman. Ce découpage, c’est la géographie spirituelle léguée par la pensée triomphante du Moyen Âge qui le dicte. Le Hedjaz, avec la Kaâba, est l’épicentre absolu de l’univers. Aussi l’islam, au XIXème siècle, n’est-il pas uniquement confronté à une matérialité technique et tactique supérieure, mais à une structure mentale dont il ignore les mécanismes intimes.
Par Farid Bahri
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