Bien que relativement court, le séjour d’Ibn Batouta aux îles Maldives est représentatif des multiples facettes du voyageur tangérois. S’il observe la population locale tel un anthropologue précoce, il dépasse largement ce statut d’observateur et devient un haut dignitaire religieux dans l’archipel. Il en profite pour tenter d’y imposer sa vision ethnocentrique de l’Islam…
Un Marocain qui atteint les Maldives au milieu du XIVème est un véritable exploit. Pourtant, Ibn Batouta n’est pas le premier. Durant son séjour dans l’archipel paradisiaque de l’océan indien, l’explorateur tangérois est stupéfait d’apprendre l’existence d’un certain Abou Al Barakat Youssef Al Barbari. Cet autre Marocain est en plus un personnage vénéré par les habitants des Maldives, qui lui attribuent ni plus ni moins la paternité de l’Islam dans le pays. Ibn Batoutta rapporte dans sa «rihla» la légende bâtie aux Maldives autour d’Al Barbari. Cet Amazigh, comme son patronyme l’indique, aurait débarqué dans l’archipel vers 1153, soit trois siècles avant son illustre «compatriote». Afin de payer sa dette envers la famille maldivienne qui l’héberge, l’homme se propose de sauver la fille de ses hôtes offerte en sacrifice à un terrible monstre marin qui vient prendre son dû une fois par an. La nuit du sacrifice, le brave Abou Al Barakat se déguise en fille et se rend, à la place de la victime prévue, au temple dédié à la cérémonie. Et c’est en psalmodiant des versets du Coran que le Marocain parvient à vaincre le démon qui s’enfuie terrorisé. Il est reconnu comme un héros par le roi de l’archipel qui, convaincu par la force spirituelle de l’étranger, aurait décidé de se convertir ainsi que son peuple à l’Islam.
Par Sami Lakmahri
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