La mobilité du roi s’inscrit dans une longue histoire. Dans sa dimension actuelle, le phénomène attend d’être analysé par le politologue ou l’anthropologue. En revanche, les historiens l’ont traité pour la période précoloniale, en l’associant au phénomène de la harka ; ils en ont renouvelé considérablement la signification et la portée. Au niveau de la fonction, les harkas étaient auparavant envisagées comme de simples expéditions militaires punitives contre les tribus récalcitrantes appartenant au monde de la siba ; elles sont actuellement liées à la mobilité qui représente un élément constitutif du système politique, et qui illustre une symbolique et une mise en scène du pouvoir. Au niveau du temps, cette analyse a été d’abord faite pour le 19e siècle et notamment le règne de Hassan 1er, puis chemin faisant, on s’est rendu compte qu’elle s’applique à des époques antérieures et remonte même aux débuts de l’Etat makhzénien. Zamane a invité les meilleurs spécialistes à se pencher sur la question de ce véritable Etat mobile qu’est la harka. Leurs textes fournissent des clés pour mieux comprendre la pratique, dans sa dimension militaire mais aussi politique, sociale et religieuse. Avec, en outre, des éléments de comparatisme avec d’autres sociétés du Maghreb et d’ailleurs.
Voici comment des chroniqueurs ont raconté les événements qui ont suivi la victoire du sultan mérinide Abou Yaqoub Youssouf contre Tlemcen, capitale des Abdelouadides du Maghreb central, en 670 de l’hégire (1272 de l’ère chrétienne). Suivons de près les grandes lignes de l’itinéraire du sultan.
Sur la route
Le sultan fait halte à Taza où il fête l’Aïd el Kébir. Puis il arrive à Fès au mois de moharram 671/1272, et y demeure jusqu’au 11 safar de la même année. Au cours de ce séjour, la nouvelle survient du décès du prince Abou Malik Abdelouahed. A la fin du mois, le sultan prend la direction de Marrakech. Il arrive à Ribat al-Fath (Rabat) le 12 rabî 1er. Sur place, il obtient l’allégeance des Mérinides pour le prince héritier son fils Abou Yaqoub Youssouf ; puis il reprend la route de Marrakech où il arrive au milieu du mois de rabî’ II. Il y reste peu de temps, y règle quelques affaires locales, puis prend la direction du pays du Souss qu’il pacifie (haddana). Il envoie son vizir Fathallah ibn Omar Sedrati à la tête de 3000 cavaliers pour châtier les Arabes Ma’qil ; au mois de chaoual, Sedrati lance contre eux une attaque qui fait beaucoup de morts à Tidsi. Au mois de chaâbane, le sultan quitte le pays du Souss ; il entre à Marrakech et y demeure jusqu’à l’apparition du croissant lunaire du ramadan. Il quitte alors la cité ocre pour Ribat al-Fath où il fête l’Aïd al-Fitr. Puis il se dirige vers Tanger qu’il investit au terme de trois mois de siège.
Par la rédaction
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