Plongée au cœur de la Médina de Casablanca, entre l’enquête et la radioscopie sociologique, à la recherche du ou des derniers Marocains juifs, à la frontière du passé et du présent…
Pendant notre enquête auprès des habitants de l’Ancienne Médina de Casablanca, en 2017-2018, nous étions très enthousiastes à l’idée de nous entretenir avec le dernier marocain juif. Il exerce encore son métier de boucher dans ce tissu urbain historique de la métropole économique du pays. Sachant qu’il est membre d’une communauté confessionnelle en voie de disparition, plusieurs questions nous taraudaient l’esprit. Quel est son profil, celui de sa famille, de ses amis, de son entourage ? Comment sont ses relations sociales avec les Marocains musulmans d’hier et d’aujourd’hui ? Quelles sont les raisons qui l’ont retenu pour rester encore dans la Médina ? Nous avons senti que nous étions face à une histoire singulière, en compagnie d’un individu bien particulier.
Un boucher de 80 ans
Dans sa petite boutique de boucherie, Moshé Pérès, âgé de 80 ans, n’a pas pu cacher sa joie en nous accueillant avec un large sourire : rasé de près, t-shirt rayé en noir, blanc et vert, tablier de boucher rouge, sans aucun signe distinctif confessionnel, sauf un cadre photo en verre affichant l’agrément cacher, accroché au mur de sa boutique, octroyé par le Grand rabbinat et la Commission du culte de Casablanca. Sans hésiter, il quitte rapidement son lieu de travail pour nous accorder un entretien. L’homme, de toute évidence, est enchanté que nous nous intéressons à son histoire singulière et à son statut particulier dans la Médina. Mais, malheureusement pour nous, Moshé n’est pas bavard. Il fallait le relancer à chaque fois. Ses histoires et ses anecdotes sont très courtes. Nous avons senti qu’il a besoin de parler, mais souvent les mots lui manquent pour exprimer ses émotions et raconter son histoire, sa vie. Il faut lire ses expressions dans ses gestes et sur son visage.
Par Abderrahmane Rachik, sociologue et urbaniste
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