La Mauritanie, premier voisin méridional du Maroc, mais si loin dans notre inconscient collectif, est aussi une porte sur l’Afrique. Partagée entre identité négro-africaine et influence arabo-islamique, l’histoire de la Mauritanie en tant qu’Etat constitué ne commence à s’écrire qu’à l’Indépendance, obtenue en 1960. Elle est étroitement liée à celle du royaume chérifien qui, de la revendication pure et simple du territoire mauritanien, est passé, en quelques décennies, à un véritable pouvoir d’influence -une sorte de soft power- sur la «terre des Maures». Zamane propose ce mois-ci une enquête au cœur de l’histoire entremêlée des deux pays.
Historiquement, l’essentiel des rives mauritaniennes du fleuve Sénégal est occupé par des sédentaires «peularisés», les Toucouleurs, descendants des royaumes du Tekrour (XIe-XVIe siècles). En amont, au niveau de l’actuelle frontière malienne, les Soninkés, considérés comme des descendants du peuple de Ghana (Xe-XIe siècles) exploitaient intensivement, comme les Toucouleurs, le lit de crue du Sénégal. Ces deux groupes sédentaires partageaient la région avec des nomades peuls, arrivés dans le pays au début de l’époque moderne, et les nomades maures du Sud comme les Trarza et les Brakna. A l’embouchure du fleuve vivaient quelques groupes wolofs (l’ethnie majoritaire au Sénégal) entre Rosso et Saint-Louis. Toucouleurs, Soninkés et Wolofs furent tantôt indépendants, tantôt soumis à des états mandingues, ou sous le pouvoir des Almami peuls, des islamo-réformateurs. Ils furent aussi souvent tributaires des vastes entités maraboutiques et guerrières maures, en particulier à partir des raids militaires (ghazzu) des émirs des clans guerriers Hassan et de leurs auxiliaires maghrébins, aux XVIIe et XVIIIe siècles. Avant la conquête française, ces trois ethnies étaient devenues très minoritaires en rive droite au profit des Maures, du fait de l’instabilité au XIXe siècle. A partir de 1890 et de la conquête française, une bonne partie de ces peuplades sédentaires a réinvesti la rive nord du fleuve. Elles représentent aujourd’hui, au bas mot, 40 % des citoyens mauritaniens. Près d’un quart sont parfaitement arabophones et intègrent peu à peu la société maure contemporaine. Ces sociétés sont organisées par familles, liée à un clan à la fois vertical (caste) et horizontal (famille antique) symbolisé par le nom de famille. La plupart se sont largement affranchies sous les régimes économiques modernes, mais des situations de servilité domestique sont encore monnaie courante. Les élites peules et wolofs se sont intégrées au monde administratif et intellectuel dès le début de la colonisation, puis dans les infrastructures étatiques, laissant de côté le monde du business, investi par les Maures. Les différents régimes mauritaniens ont accordé peu ou prou un quart des postes politiques aux élites négro-mauritaniennes.
Dossier réalisé par Simon Pierre
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