Si le royaume Berghouata (VIIIème – XIème siècle) a tous les atouts d’un Etat indépendant au sens moderne du terme (territoire fertile, autosuffisance, échanges commerciaux, système fiscal, etc.), il s’est surtout appuyé sur une religion locale qui lui a servi de ciment et renforcé son indépendance.
La religion Berghouata, qui n’est qu’une version dévoyée de l’Islam venu d’Arabie, ne s’est pas construite en un jour, mais progressivement, avec habileté, prudence et une certaine finesse politique. Fondé par Salih ibn Ṭarif, un Kharijite qui a participé à la rébellion contre les Omeyyades, l’émirat ne s’est pas détaché de l’Islam d’un seul coup. Se présentant comme prophète, Salih a prêché de nouveaux enseignements religieux, inspirés de l’Islam sous toutes ses formes et dogmes, mais aussi du judaïsme, en y introduisant des éléments de tradition et des coutumes locales, mâtinés de paganisme ancestral. Une religion qu’il a pratiquée et propagée dans le secret total, comme le veut le principe chiite de la «Taqiyya». Pour ses contemporains, Ibn Tarif et son émirat étaient des Ibadites de la fraction des Kharijites, opposés au califat d’Orient, plaidant l’égalitarisme. Les chroniqueurs et les récits historiques relatent que Salih Ibn Tarif, dans une sorte d’intelligence politique, craignait pour sa vie et pour son émirat naissant. Proclamer une religion nouvelle dans un territoire à peine islamisé pouvait choquer et conduire les gens à se rebeller et à s’allier aux émirats sunnites avoisinants. Il confia sa religion et ses principes à son fils, lui recommandant de les garder secrets et de ne pas les révéler jusqu’à ce qu’il se sente en confiance et en sécurité. Son fils gardera le silence jusqu’au bout. Et il faudra attendre le règne de son petit-fils, Younès, pour que la prophétie de Salih soit révélée au grand jour.
Par Mohamed Yazid
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