La dette a joué un rôle essentiel dans l’occupation du Maroc et, ensuite, dans la pérennisation d’une certaine tutelle économique…
Àl’époque de la colonisation, la dette n’était pas seulement un moyen détourné de conquérir de nouveaux territoires, en fournissant un prétexte idéal à une intervention militaire. Elle était également la voie par laquelle les Occidentaux affirmaient leur supériorité morale et légitimaient leur domination politique à long terme. La dette est simultanément la concrétisation financière des inégalités entre nations et la justification morale de leur perpétuation. La notion de dette est également imprégnée d’une indéniable dimension morale. D’un point de vue anthropologique, une dette est avant tout une relation sociale et une obligation morale entre individus. Quand cette obligation morale devient une promesse quantifiable calculée selon un échéancier précis, elle atteint la dignité de celui qui ne peut honorer sa dette. L’incapacité de rembourser une dette est considérée comme une faute morale, ce qui légitime implicitement toute action entreprise par le créancier pour recouvrer ses crédits. La forme la plus extrême d’endettement est de fait l’esclavage: l’impossibilité d’honorer l’obligation morale du remboursement de la dette mène à la perte du bien le plus précieux que puisse posséder un individu, sa liberté…
La dette publique est un objet éminemment politique, dont l’attribut essentiel est sa dimension publique. Un État ne s’endette pas de la même façon qu’un individu privé : la dette publique est la dette d’une communauté politique prise comme un tout. Elle est dès lors singularisée par sa permanence dans le temps et ne dépend en aucun cas du sort d’individus privés.
Par Adam Barbe
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