On s’occupe et on s’émerveille devant les découvertes des ossements de nos ancêtres qui ont habité le Maroc depuis les époques les plus reculées, mais on se soucie moins de leurs réalisations. Nous donnons plus d’importance aux discours, aux documents écrits, aux monuments proches de nous historiquement, mais on oublie que notre histoire se prolonge beaucoup plus dans le temps et que nos ancêtres nous ont laissé une richesse inestimable sur les plans visuels.
Il ne suffit pas de déterrer des ossements pour dire que nos ancêtres ont habité cette terre, il faut révéler leurs réalisations et leur intelligence.
Si nous ne sommes pas inscrits dans l’histoire universelle de l’art, ce n’est peut-être pas dû uniquement à une injustice, mais c’est aussi notre faute. Les références historiques, de la naissance de l’art que nos enfants répètent sans se poser de questions, viennent des grottes européennes et non du sud Libyen, ni du Tassili dans l’extrême sud algérien, ni surtout du Haut Atlas, marocain et moins encore du grand musée à ciel ouvert du Sahara qui s’étend de Tata jusqu’en Mauritanie. La seule région de Smara compte deux sites importants de gravures rupestres livrées au pillage et aux intempéries. Il y a certes une grande difficulté à soigner, protéger et montrer ces œuvres loin de leurs sites, mais rien n’empêche les responsables locaux (mairies, communes, préfectures, collectivités locales, administration de l’éducation nationale, de la jeunesse, de la culture, du tourisme…) de les photographier, de les faire connaître, de créer un minimum de bruit médiatique autour de ce trésor. Il y a certes un effort de la part de la délégation de la culture dans la région, de défense et de protection, mais les moyens mis à sa disposition restent en deçà de ce qu’elle doit faire.
Mais l’initiative civile reste la plus sûre car la moins désintéressée, à condition qu’on lui apporte le soutien qu’il faut. Dans ce cadre il y a un militant, qui depuis des années déjà se démène à faire connaître et à défendre ce patrimoine. Il s’agit de l’artiste El Imam Djimi de la ville d’Agadir, dont les parents sont originaires de la région de Smara. Il s’est insurgé contre le vandalisme systématique subi par ces vestiges (de la part de la population et de la part de certains étrangers de passage dans la région), et il a bâti une œuvre picturale personnelle à partir de ces gravures.
Mais son travail ne s’arrête pas là. Il vient de créer une salle où seront présentées des répliques de ces gravures afin de sensibiliser la population du Haut Atlas à cette richesse. En collaboration avec un gîte dans la région de Demnate, il a exposé des photos et des documents qui montrent les styles de gravures rupestres de la région de Tan Tan, de Smara et du Haut et Moyen Atlas. Tout l’ouvrage est réalisé avec les moyens du bord et l’aide gracieuse des amis et de la famille.
Cette initiative pourrait-elle réparer le regard et l’injustice de l’histoire universelle de l’art à notre égard ?
Par Moulim El Aroussi