Le monde arabe est dans un état de décrépitude avancée, ayant échoué à l’examen de développement, de démocratie et de modernité. Avant même le capharnaüm ambiant, une voix avisée, celle de Ghassane Tuéni, avait lancé en 2003 ce cri d’amertume qui tranche avec les espoirs émis à l’orée du siècle précédent: un siècle pour rien.
Pourtant, ce monde inspirait et promettait. Il était hissé aux grands géants culturels, Chine et Inde, qui avaient lancé les principes d’une vision du monde, la Pancha Sheela (principes de coexistence pacifique en sanskrit, posés par la Chine et l’Inde), auxquels l’Egypte allait se greffer à la conférence de Bandoeng en 1955. La guerre de Suez de 1956, ou l’agression tripartite, devait propulser l’Egypte de Nasser sur le devant de la scène comme chef de file d’un monde, le monde arabe, qui se frayait son chemin. Le nassérisme et la guerre d’Algérie étaient les hauts faits qui galvanisaient les foules et les élites. Les deux pays, avec des trajectoires différentes, étaient les premiers à avoir étéfraîchement en contact avec la modernité occidentale. Les deux pays étaient initiés à ses techniques. Par des infrastructures, relativement bonnes, une élite relativement alerte, des idéologies mobilisatrices, les deux pays promettaient. À plus d’un demi-siècle de ce temps qui cristallisait des espoirs, le bilan est catastrophique pour ces deux pays érigés naguère en modèles.
Un droit d’inventaire s’impose. Et nous avons déjà un avant-goût amer d’Etats défaillants (ou faillis), de sociétés éclatées, de structures institutionnelles fissurées. L’Irak est l’ombre de lui-même, la Syrie un corps meurtri, le Yémen une arène de combats confessionnels et idéologiques, la Libye en butte à des dissensions ethniques… Les maux qui départagent les pays du monde arabe sont l’amputation et l’arthrosepour ceux qui étaient des géants, ou perçus comme tels, ne serait-ce que sur le plan géographique. Le Soudan est un cas d’école des deux maux.
Par Hassan Aourid
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