Avant de devenir l’un des monarques les plus emblématiques de l’histoire du Maroc, Mohammed Ben Youssef n’est d’abord qu’un adolescent au moment où il s’assoit sur le trône alaouite en novembre 1927. Non favori à la succession de son père Moulay Youssef, le futur Mohammed V se retrouve pourtant propulsé sultan d’un pays sous domination coloniale. Coulisses d’une intronisation très politique…
Il est le plus jeune, le moins politisé des prétendants et quasiment esseulé dans le palais impérial de Meknès, loin des centres du pouvoir à Rabat et Fès. Pourtant, c’est bien le prince Mohammed Ben Youssef, dix sept ans à peine, qui est invité à monter sur le trône laissé vacant par son père, mort subitement dans la nuit du 16 au 17 novembre 1927 à l’âge de 46 ans. Plus étonnant encore, cet avènement surprise se fait dans une quiétude absolue. Ni contestation politique ou religieuse, ni coup de feu ni intervention étrangère ne viennent troubler l’intronisation du nouveau sultan marocain, confirmé lors de la traditionnelle cérémonie de la Bey’a (allégeance), le 18 novembre 1927. Dans un Maroc loin d’être «pacifié» et dont une partie lutte encore avec les armes contre la domination coloniale, cet interrègne demeure d’une étonnante sérénité, du moins en apparence. Car de nombreux cercles du Makhzen ont intérêt à laisser le jeune prince dans l’ombre à laquelle il a été habitué.
Moulay Idriss, fils ainé de Moulay Youssef et considéré comme favori à sa succession, est certainement le grand perdant de cet épisode. Depuis sa nomination par son père au poste symbolique de Khalifa du sultan à Marrakech, il s’était activement préparé à devenir l’héritier au trône. Une répétition générale mise en scène par deux personnages parmi les plus puissants de leur temps. Thami Ababou d’abord, ancien précepteur de Moulay Youssef, devenu tout puissant chambellan et ministre de la maison impériale. Kaddour Ben Ghabrit ensuite, directeur du protocole impérial et maillon essentiel de liaison entre le Makhzen et les autorités du Protectorat.
Par Sami Lakmahri
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