À l’heure où les flammes de la guerre embrasent de nouveau le Proche Orient, les espoirs de paix n’ont jamais semblé plus minces. Bien que la voix du Maroc, et d’autres pays, ne soit pas forcément audible, l’histoire montre que, dans l’ombre, la cause de l’apaisement et la recherche de la paix sont malgré tout possibles…
Bien avant la normalisation entre le Maroc et l’état hébreu, le royaume s’imposait déjà comme un canal privilégié pour la longue et sinueuse route vers la paix au Proche Orient. Mais, avec l’emballement de la violence dans la région depuis l’offensive du Hamas le 7 octobre dernier en Israël et la brutale réponse de Tsahal dans la Bande de Gaza, l’heure est plus grave que jamais. Un tel pic de violence a déjà été atteint pendant les 75 ans que dure le conflit, débuté en 1948 et la Naqba. À la fin des années 1960 et tout au long de la décennie suivante, ce sont même des guerres impliquant d’autres états qui sont venus embraser le Proche Orient. Et malgré son engagement direct dans les deux guerres arabo-israéliennes de 1967 et 1973, le roi Hassan II parvient à cultiver l’image d’un dirigeant modéré, toujours favorable au dialogue. Le souverain profite également de la réputation de son pays, présenté comme une terre de tolérance et de vivre ensemble. Il demeure aussi une figure d’autorité respectée et écoutée auprès de la très nombreuse communauté d’origine marocaine installée en Israël durant les années 1960. Ainsi, au milieu d’un panarabisme fier et intransigeant, il apparait aux yeux des Occidentaux et des Israéliens comme un interlocuteur crédible. Après les hostilités d’octobre 1973, le chantier pour une paix est alors immense. Le premier objectif est d’abord d’homogénéiser le front anti-israélien et d’imposer l’OLP de Yasser Arafat comme représentant légitime du peuple palestinien. Ce n’est qu’ensuite que la feuille de route prévoit d’entrer en contact avec les Israéliens.
Durant les années 1976 et 1977, le Maroc devient ainsi le terrain privilégié des rencontres secrètes entre dirigeants israéliens et égyptiens. Moshé Dayan, ministre de la Défense de l’état hébreu, et Hassan Touhami, vice-Premier ministre d’Anouar Sadate, successeur de Nasser depuis 1970, y discutent de l’avenir de leur relation. Yossi Alpher, ancien officier du Mossad (service secret israélien), est le premier à révéler la nature de ces rendez-vous de l’ombre : «Tout à commencé par une rencontre entre le roi Hassan II et directeur du Mossad, Yitzhak Hofi, qui a conduit à un autre meeting entre le roi et le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin». Le futur prix Nobel de la paix se rend effectivement à Rabat en 1976, déguisé d’une «perruque avec des cheveux blonds». Un préambule qui lance donc un processus historique qui s’achève par les historiques accords de Camp David en septembre 1978, réconciliant Le Caire et Tel Aviv, mais qui divise la Ligue Arabe, reprochant à l’Egypte de faire cavalier seul. La suite s’écrit en pointillé durant les années 1980. Le panarabisme s’essouffle et la colère envers l’Egypte s’estompe. Le Maroc redevient un terrain de négociation lorsque, les 22 et les 23 janvier 1986, Shimon Perez, chef du gouvernement israélien, se rend à Ifrane pour une visite discrète, mais bien officielle. À l’aube des années 1990, la guerre du Golfe réunit pour la première fois certains pays arabes et Israël, qui font de l’Irak un ennemi commun. L’occasion de relancer le processus de paix qui s’accélère par la tenue de la Conférence de Madrid, en 1991. Dans la foulée, se tiennent également les négociations secrètes d’Oslo où, pour la première fois, l’OLP et le gouvernement israélien s’entretiennent. Les deux ne manquent pas de rendre hommage à l’action du Maroc en faveur de la paix. Une période bénie qui semble pourtant si loin…