L’énumération des événements de cette année ont de quoi donner le vertige. Jugez-en : événements de Moulay Bouazza, où la branche révolutionnaire de l’UNFP a tenté de lancer une «guerilla» sur le modèle cubain ; guerre du Golan, où le Maroc (pour la première fois) fournit des troupes pour combattre Israël ; création du Polisario et émergence de ce qui deviendra officiellement, plus tard, «le conflit du Sahara occidental» ; attentats piégés contre deux grandes figures de la gauche (Elyazghi et Benjelloun) ; refonte des services secrets avec la création de la DST et de la DGED ; conclusion des procès des putschistes de 1971 et 1972 avec peloton d’exécution pour les haut-gradés et expédition des autres vers le bagne-mouroir de Tazmamart, etc. À l’issue de cette année-charnière où il risquait de tout perdre, le défunt HassanII a, au contraire, tout gagné ou presque, stabilisant au passage la scène politique intérieure et donnant un nouveau souffle à son règne. Zamane revient, dans le détail, aux péripéties extraordinaires de cette année 1973, avec ses crises, ses enjeux de pouvoir, ses rapports de force, et surtout les ingrédients qui ont définitivement fait pencher la balance d’un côté, plutôt que de l’autre.
Depuis l’élimination de Mohamed Oufkir en 1972, et l’éloignement progressif d’Ahmed Dlimi, qui se termine par sa mort prétendument accidentelle en 1983, l’étoile de Driss Basri est montée dans le ciel marocain. S’il faut dater la percée de celui que l’on appellera plus tard «Louzir» (le ministre), il faudra remonter à l’année 1973. Le Maroc venait de dissoudre le CAB1, ancêtres des services de renseignements intérieurs et extérieurs, et vivait une sorte de vide sécuritaire depuis les deux putschs militaires de 1971 et 1972. Il fallait tout remettre à niveau, tout réorganiser, parce que les deux coups de sang ont montré la faillite du renseignement marocain, jusque-là cannibalisé par le trop puissant CAB1 que le général Oufkir instrumentalisait à sa guise.
La création de la DST (direction de la surveillance du territoire) en 1973 a été une occasion en or pour Driss Basri. Ce service tout neuf, dédié au contre-espionnage sur le sol marocain, était confié à un jeune commissaire de 35 ans, un policier pur jus, un homme de dossiers, certes, mais pour lequel le terrain n’a aucun secret : Basri, donc, qui venait d’effectuer un court séjour dans les arcanes du ministère de l’Intérieur. Il avait l’avantage d’être suffisamment aguerri par son expérience dans le renseignement, mais sans être trop mêlé aux nombreux dérapages du CAB1, ancêtre de la DST.
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