Parfois, le sport renseigne sur les malentendus de l’histoire. Et bien plus encore…
Prenez le match de football entre les Marocains de Berkane et les Algériens de l’USMA, comptant pour les demi-finales de la coupe de la CAF. Un derby maghrébin avec, pour enjeu, la conquête d’un titre africain. Sur le papier, il y avait tout pour faire la fête. Ou la guerre. Devinez ce que l’on a eu ?
Comme vous le savez, le match retour n’a pas eu lieu, les Algérois ayant refusé de jouer le «jeu». Et, avant cela, à l’aller, les autorités aéroportuaires d’Alger avaient confisqué le maillot des «Brakna» et placé l’équipe et ses accompagnateurs dans une quasi-garde à vue de plusieurs heures. C’est la crise du maillot, devenue célèbre dans le monde entier. Beaucoup s’étonnent et s’exclament devant ce fait-divers assez incroyable, alors que d’autres rient sous cape. Parce que cette crise a quelque chose de ridicule, de risible. Mais qui empoisonne la vie deux pays supposés frères. Cette crise est une tempête dans un verre d’eau. Et un dialogue de sourds. Avec, bien entendu, un maximum de mauvaise foi et de faux-semblants. Le football n’est pas un sport de rue où chacun improvise et fait ce que bon lui semble. Il est soumis à des règlements, en étant encadré de près par des instances internationales comme la CAF ou la FIFA. Ce que portent les équipes sur leurs maillots (couleurs, symboles, sponsors) est soumis au préalable à des comités d’éthique. Tout est contrôlé en amont. Dans les coulisses de ces commissions, beaucoup de propositions sont ainsi refusées, dans la discrétion.
Que dit le règlement ? Que lorsque les maillots sont homologués, les clubs peuvent les porter et personne n’a le droit de les en empêcher. Il n’y a dès lors aucune raison de discuter du contenu de ces maillots, de la carte du Maroc et tutti quanti. Hors-sujet. Ces maillots sont réglementaires. À partir de là, les débats sont clos.
Le règlement, c’est la loi. Celui qui n’est pas content n’a qu’à la changer. En attendant, il la subit comme le reste des mortels. Sinon, il devient hors-la loi. Dans le football, on dit hors-jeu. Il est sifflé et montré du doigt.
C’est une affaire sportive que nos frères algériens tentent de politiser. Ils sacrifient une équipe de foot (l’USMA est éliminé et risque jusqu’à deux ans de suspension de toute compétition continentale) pour remettre une couche sur le conflit né autour du Sahara marocain. Un dossier où, soutiennent-ils, ils ne sont pas partie prenante…
Cette politisation du sport n’est pas la première en son genre. Hélas. Il y a un eu plus d’un an, déjà, et à l’occasion d’un tournoi du CHAN (Championnat d’Afrique des nations) dans lequel le Maroc devait prendre part en tant que tenant du titre, Alger avait refusé qu’un avion de la RAM, transporteur officiel des sélections marocaines, survole le ciel algérien. Carrément.
Le forfait de l’USMA renvoie donc à d’autres forfaits. Pour ne pas dire à d’autres forfaitures. C’est dommage parce que, sportivement, les relations entre les deux pays ont toujours été bonnes. En 1979, et en pleine guerre dite du Sahara, la sélection algérienne s’était rendue à Casablanca où elle a été reçue avec les honneurs. Avant d’infliger un mémorable 5-1 aux Marocains. C’était du sport, rien d’autre. Et c’était une époque où, malgré la guerre entre les deux chefs d’État, Hassan II et Boumediene, on savait faire la part des choses. Pour la petite histoire, les Lions de l’Atlas ont bien infligé, à leur tour, un cinglant 4-0 aux Fennecs à Marrakech, quelques années plus tard. Et alors ? Rien. Aucun incident à l’horizon, ni sur le terrain, ni en dehors. Personne n’a tenté d’instrumentaliser le sport, ni de le prendre en otage. Comme au bon vieux temps de la Coupe d’Afrique du Nord de football, quand Belcourt (aujourd’hui Belouizdad) et le Wydad croisaient le fer dans des chaudes ambiances, mais loin de toute récupération ou surenchère politique. Et en parlant du défunt Hassan II, rappelons-nous de sa célèbre phrase : «Il ne faut pas perdre son temps à avancer des arguments de bonne foi face à des gens de mauvaise foi». La réflexion du souverain se prête à plusieurs lectures et déclinaisons, dont celle-ci : À malin, malin et demi. La voilà donc la morale de cette lamentable histoire. Au revoir et merci.
Karim Boukhari
Directeur de la rédaction