L’eau est à l’origine de la vie et, au Maroc, on ne le sait que trop bien. Dans l’antiquité, les premières cités marocaines ont été bâties près des sources d’eau. Même les populations nomades réglaient ses déplacements et voyageaient selon la quête de l’eau. Les caprices du climat ont ainsi façonné à leur tour l’histoire du Maroc, faisant et défaisant la grandeur des dynasties, basculant le sort des habitants dans la prospérité ou la misère, déplaçant les villes comme des dès jetés dans l’échiquier. Au Moyen Âge, et encore plus durant l’ère moderne, l’absence d’alternatives, l’inexistence d’une vraie politique économique, agricole, sans oublier l’immense retard industriel, ont produit des effets combinés qui ont tous, ou presque, lié le sort du pays entier à la pluie. D’où la fameuse maxime «Au Maroc gouverner c’est pleuvoir», longtemps prêtée à tort au maréchal Lyautey, et qui est le fait d’un autre résident général, Théodore Steeg (1925-1929). Mais Steeg n’a rien inventé, il a juste trouvé la formule qui dit tout…
Dans ce dossier du mois, Zamane enclenche encore une fois la machine à remonter le temps, et vous invite à un nouveau voyage, pour comprendre le «poids de l’eau» à travers l’histoire du Maroc. Le seul poids, au final, qui a réellement donné le ton et le tempo, au point de représenter la vraie source de pouvoir dans le Maroc ancien, bien loin devant le politique, le religieux ou autre.
Dans ce texte, on étudiera l’impact des cycles desécheresse et de famine, et leur effets sur la société et ses activités économiques (agriculture, artisanat, et commerce), et parfois même sur le pouvoir central, dans le Maroc du Moyen Âge, et principalement durant la période s’étendant de la seconde moitié du XIIIème siècle à la première moitié du XVIème siècle. Cet exercice comprend certains écueils : les sources dont nous disposons n’apportent pas toujours avec précision les dates exactes du début et de la fin des cycles en question. Et les zones géographiques couvertes sont rarement définies avec toute la rigueur souhaitée. Ainsi, il est impossible de connaître l’étendue exacte des dégâts causés.
Ajoutons à cela que les sources se focalisent, la plupart du temps, sur le nord du pays en général, et la ville de Fès en particulier, car la plupart de ces écrits ont été rédigés dans cette même ville. Les informations concernant le reste du pays, et surtout le sud, restant ainsi faibles, parfois muettes. Il est également impossible de mesurer avec précision l’impact démographique de la sécheresse, car les données disponibles ont souvent un caractère non statistique, et restent à la fois vagues et générales. Exemples : «Les morts se sont propagées… Beaucoup depopulations ont péri… D’innombrables personnes ont succombé»…
Par la rédaction
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