Dans un document exceptionnel, paru au moment même de sa disparition et qui a valeur de testament, Mohamed Bensaid Aït Idder revient sur les événements-clés de sa vie tant politique que personnelle. Tout y est. De l’enfance dans le Souss à la lutte pour l’indépendance, et des «complots» vrais ou faux des années 1960 aux anecdotes croustillantes de la vie parlementaire, en passant par les émeutes de 1965 ou la création du Polisario. Un siècle de l’histoire marocaine défile sous nos yeux, embrassant des événements et des personnages majeurs : Hassan II, Ben Barka, Messaâdi et tant d’autres.
« Àquatre ans, mon père m’a envoyé au M’sid. Il a donné carte blanche au fqih pour nous punir à la moindre faute, n’hésitant pas à faire usage de violence, telle que l’utilisation du calame pour nous pincer le dessous du menton jusqu’au sang ! Cela accentua mon désir de m’éloigner du village. J’appris, néanmoins, le coran et pouvais réciter 13 fois les 60 sous-chapitres (Hizb) du Coran.
Au début de la seconde Guerre mondiale, j’ai intégré l’école de Sidi Abou Abdallah dans les environs de Sidi Ifni. Cela avait coïncidé avec ce qu’on a appelé l’année du «boune» (bon de rationnement des produits alimentaires pour faire face à la famine). Pour ma part, je m’étais engagé dans le commerce des bons de rationnement pour les revendre à l’école qui n’avait pas les moyens de satisfaire aux besoins de la soixantaine d’élèves… Grâce aux revenus de ce commerce, j’avais pu faire de ma chambre à l’internat un lieu de rencontre pour mes amis et un moyen pour recueillir des informations. Â ce moment, on ne disposait ni de journaux ni de radio. Notre vie n’était pas sans distractions. Les événements religieux et les fêtes nationales étaient des occasions pour se divertir.
Il y avait chaque été, les moussems que l’on célébrait sous les rythmes amazighs d’Aheyad et Ahwach. Dans cette région du sud, nous vivions à la marge, dans le Maroc dit inutile. Un jour, quelqu’un de la région qui vivait à Mohammedia (Fédala) avait amené un phonographe. Ce fut un événement dans le village. Les habitants s’étaient rassemblés autour de cet appareil inconnu.
Je me rappelle également d’un voisin qui avait rapporté d’Algérie une lampe torche qu’il m’avait offerte… À la tombée de la nuit, je m’amusai à poursuivre les gens avec ma lampe torche. Un matin, elle ne s’alluma pas. La batterie s’était épuisée ! »
EDITING ZAMANE
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