Le Maroc est le seul pays arabe à avoir été colonisé par deux puissances européennes. Il a ainsi été démembré et divisé en différentes zones d’influence. Cette singularité de la colonisation du Maroc est à l’origine de l’imbrication organique des revendications d’indépendance politique et d’unité du territoire marocain dans le discours de libération, ainsi que dans l’imaginaire collectif.
La mouvance nationaliste marocaine, en dépit de sa diversité organisationnelle et politique, ne se représentait qu’unifiée. Cette tendance au centralisme s’accompagnait inéluctablement d’une hiérarchisation. Les données du fait colonial, instituant la France comme « grande puissance » et l’Espagne comme «puissance moyenne», ont instauré dans l’imaginaire collectif la suprématie du nationalisme du Sud sur son homologue du Nord. La réalité historique est fortement nuancée. Plus d’un demi-siècle après l’indépendance du pays, il est temps de réparer ce préjudice vis-à-vis des «gens du Nord».
Certaines familles du Nord ont été blessées par quelques vérités mises à jour par la recherche scientifique et historique. Nous comprenons les émotions humaines des proches de certaines personnalités emblématiques, que nos articles ont rendu acteurs historiques. Les dimensions symboliques, voire mythiques, de ces grands du Nord, ont été réduites à leur taille historique par notre investigation. C’est le propre du travail historique. C’est toute la différence entre histoire et mémoire, entre rationalité et émotivité. Que les Ameziane, les Raïssouni, les Khattabi, les Bennouna, les Torres, les Riffi, les Akalay et bien d’autres soient des acteurs importants du passé proche du Maroc et de la région, c’est un fait incontestable. Notre devoir n’est pas de faire l’apologie de ces personnages et de leurs familles (biologiques et spirituelles), mais d’apporter un éclairage objectif sur leurs actions en tant qu’hommes et femmes, et notamment sur leurs rapports aux pouvoirs politiques, aux communautés sociales, à l’argent, aux puissances étrangères, aux violences politiques, à l’imaginaire collectif de leur époque et aux intrigues de leur temps.
Par la rédaction
Lire la suite de l’article dans Zamane N°27