Moncef Marzouki, président de la république tunisienne entre 2011 et 2014, accepte de se livrer à Zamane. Dans cet entretien exclusif, il raconte son passé marocain et son attachement au royaume. Il revient aussi sur les causes, les conséquences et l’avenir de la révolution dans son pays. Il nous expose également ses réflexions sur l’islamisme et notre rapport à l’Occident. Confessions intimes d’un président.
Votre histoire avec le Maroc débute en 1956 et l’exil de votre père, Mohammed Bédoui Marzouki. Dans quelles circonstances s’est déroulée cette migration alors que vous êtes un jeune garçon de 11 ans ?
En 1956, le mouvement national tunisien s’est scindé en deux : les bourguibistes et les youssefistes (les partisans de Salah Ben Youssef, ancien secrétaire général du Néo-Destour, considèrent que ceux de Habib Bourguiba trahissent les principes de la révolution en pacifiant les rapports avec la France, ndlr). Pour, à la fois, une question de leadership et une divergeance profonde sur la nature de l’indépendance et l’avenir de la Tunisie. Mon père a choisi le «mauvais camp». Bourguiba a déclenché une féroce répression contre son rival qu’il fera assassiner en 1961 (en Allemagne suite à un piège monté par des officiers proches de Bourguiba, ndlr). Des milliers de youssefistes ont été assassinés et mon père n’a dû son salut qu’à la fuite. Il s’est réfugié au Maroc jusqu’à sa mort en 1988.
Le militantisme politique de votre père vous a-t-il inspiré dès cette période ?
La politique, je ne l’ai pas apprise, je suis né dedans. Mon père m’emmenait aux meetings alors que je n’avais que neuf ans. Je me souviens de Ben Youssefharanguant les foules et moi haut comme trois pommes derrière lui. Quand mon père s’est enfui, j’ai eu droit, à 10 ou 11 ans, à mon premier interrogatoire de police. Puis ce fut le calvaire d’être désigné comme le fils du «traître». Remarquez, ça n’a pas beaucoup changé depuis.
Propos recueillis par Sami Lakmahri
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