Comme tous les Marocains, Elie Mouyal s’est tout de suite demandé comment il pouvait aider les sinistrés du terrible séisme qui a frappé le Haouz, le 8 septembre. Ce natif de Fès, Marrakchi de cœur et d’adoption, est un architecte reconnu dans la cité ocre, spécialisé dans les constructions en terre. Il s’est aussitôt mis à construite un prototype de « nouala » nouvelle génération, qui pourrait servir provisoirement à reloger les milliers de familles privés d’un toit. Même si son initiative ne suscite pas encore l’enthousiasme des décideurs, il ne perd pas espoir et propose des idées sur l’implication des architectes dans le long processus de reconstruction en cours. Elie Mouyal revient pour nous également sur l’état de l’architecture dans le pays, des limites de la rénovation du patrimoine local, et sur les raisons qui l’ont poussé à revenir à l’essentiel, la terre.
Tout d’abord, comment vos proches et vous-même allez, quinze jours après le séisme ?
Nous allons bien hamdoullah, personne de mon entourage n’est directement touché. Mais vivre un tel évènement marque votre vie. Nous avons partagé, comme tout le monde, un instant de grande frayeur qui vous fait prendre conscience de l’extrême vulnérabilité de l’existence. Dans ce genre de cas, il n’y a plus de différence entre riches et pauvres, et on se sent tous démunis face à la puissance de la nature. Mais rapidement, nos pensées et nos angoisses sont allées vers les gens les plus touchés par la catastrophe.
À quel moment avez-vous saisi l’ampleur du drame qui a touché les habitants des montagnes ?
Lorsque j’ai reçu le lendemain, à travers un message sur mon téléphone, un tableau indiquant le nombre de villages et douars situés à proximité de l’épicentre du séisme. Outre l’inquiétude pour ces habitants, j’ai appris à cette occasion que le Haut Atlas est bien plus peuplé que nous le pensions en réalité. Ce document recense 700 villages et hameaux dans un rayon d’à peine 30 kilomètres de l’épicentre. Ce nombre passe à mille sur un rayon de quarante kilomètres. Lorsque vous savez que la puissance de la secousse avoisine les 7 sur l’échelle de Richter, vous saisissez immédiatement l’ampleur de la catastrophe. Les chiffres concernant le nombre de villages et hameaux ou douars enclavés, car il faut bien distinguer les deux, font aussi comprendre la réaction des autorités de ne pas ouvrir les portes à toutes les sollicitations d’aides proposées par de nombreux pays les jours qui ont suivi le séisme. Il me paraît fort logique qu’avec un tel terrain accidenté, la priorité est d’éviter l’encombrement. Comment voulez-vous organiser la logistique d’un afflux massif d’équipes venues de l’étranger alors même que trois jours après, près de la moitié des villages n’étaient pas encore accessibles ? Nous n’avions vraiment pas besoin d’une telle polémique à ce moment là.
Propos recueillis par Sami Lakmahri
Lire la suite de l’interview dans Zamane N°155