Hormis plusieurs discours, l’ex-leader socialiste, Premier ministre de l’Alternance, s’était tenu à un silence absolu pendant quinze ans. À travers ses mémoires, intitulées « Fragments de mon parcours » et rédigées par un proche, Mbarek Bouderka, Youssoufi accepte enfin de se livrer…
D’abord, ce sont des «bribes de mémoires» et si le «je» est employé, ce n’est pas Abderrahmane Youssoufi qui a tenu la plume. Qu’à cela ne tienne, la sortie début mars de «Fragments de mon parcours» est un événement en soi. Au fil des pages, le lecteur pourra découvrir l’enfance d’Abderrahmane Youssoufi, né d’un père polygame, en 1924 dans le Tanger international. En 1943, lycéen à Rabat, il adhère au Parti de l’Istiqlal, entre en lutte contre le Protectorat puis fait ses premiers pas dans le syndicalisme, tandis que Mehdi Ben Barka devient son mentor. Au début des années 1950, étudiant à Paris, quasi SDF, il côtoie les membres du Front de Libération Nationale algérien, et retourne au Maroc pour prendre les armes aux côtés des nationalistes. Après l’indépendance, l’Istiqlal connaît une scission ; l’UNFP voit le jour. Selon Youssoufi, cela n’aurait jamais eu lieu si « El Fassi et Ben Barka avaient pu se connaître et se découvrir davantage». 1963, à l’heure des élections nationales, l’UNFP est accusé de complot, Youssoufi se retrouve en prison avec André Azoulay, journaliste à l’époque des faits. Voilà pour les anecdotes. Youssoufi ne dit rien au sujet de l’assassinat de Mehdi Ben Barka, et pas grand-chose sur celui d’Omar Benjelloun. On saura seulement qu’en 1973, Youssoufi a dit à Abderrahim Bouabid, désireux de propulser Benjelloun à la tête du parti, que ce n’était pas le bon moment. Le livre se termine sur l’Alternance. Une période qui exige « beaucoup d’efforts et de sacrifices ». En septembre 2002, après les élections législatives, Youssoufi présente sa démission à Mohammed VI, « mais il a préféré que je ne la présente pas à ce moment-là». Octobre, Youssoufi est démis de ses fonctions, le roi lui dit : «À plusieurs reprises, vous avez exprimé votre souhait de démissionner, et étant donné votre état de santé, j’ai décidé de nommer Driss Jettou». Malgré tout, ils sont restés en bons termes.