A une certaine époque, le Maroc considère qu’un manuscrit vaut bien la vie d’un otage. C’était au temps du sultan Moulay Ismaïl (1672-1727). Avant lui, deux événements majeurs privent l’empire chérifien d’une grande partie de ses trésors manuscrits. Au début du XVIIe siècle, une guerre civile ravage le Maroc. Un chaos qui finit par le priver de la plus importante bibliothèque de son histoire. Le sultan saâdien Moulay Zidane (1603-1627) qui en a la charge finit par la perdre au profit des Espagnols en 1612. Ce trésor n’est pas le seul qui a de la valeur aux yeux de Moulay Ismaïl. La pharaonique somme de savoir abandonnée par les Andalous après le Reconqista à la fin du XVème siècle est considérée au Maroc comme un héritage. Ainsi, après avoir repris la ville de Larache aux mains des Espagnols en 1689, le souverain alaouite souhaite profiter de la situation pour négocier avec Madrid en position de force. Il détient des centaines d’officiers ibériques dont il compte bien tirer bénéfice. Et c’est pour négocier leur sort que le sultan décide de dépêcher un ambassadeur à Madrid, Mohamed Ibn Abdelouahab Al Ghassani Al Wazir. L’accord que doit négocier Al Ghassani, en tant que vainqueur de la reconquête de Larache en 1689, détaille les demandes du sultan : «Vous nous donnez contre cinquante chrétiens de cette centaine (d’officiers) cent ouvrages pour chaque chrétien. Nous voulons les meilleurs des livres de l’islam, de ceux que les musulmans ont laissé dans les bibliothèques à Séville, à Cordoue, à Grenade, et dans d’autres villes encore, et d’autres villages que notre serviteur (Al Ghassani) choisira. Pour les cinquante officiers qui restent, vous nous donnez en échange dix captifs pour chaque chrétien». Pour les captifs musulmans, le sultan précise ses conditions : «Nous acceptons les femmes, comme les enfants, le jeune comme le vieillard. Peu nous importe qu’ils soient de notre empire ou venant d’une autre contrée de l’islam. Car nous ne cherchons que la récompense et la rétribution de Dieu en libérant les musulmans». Et le sultan de conclure en soulignant la primauté qu’il accordait aux lettrés et aux oulémas parmi les captifs musulmans : «Cependant, une attention particulière doit être accordée aux fonctionnaires de chancellerie, aux oulémas défenseurs de la Charia et aux soldats».
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