La mort de Hayat, 20 ans, tuée alors qu’elle tentait de rejoindre clandestinement l’Espagne, témoigne de la recrudescence des cas et du nombre de Marocain(e)s prêts à tout pour quitter le pays. Ce drame nous interroge sur deux points : la situation interne du Maroc et sa gestion de l’immigration.
Elle aurait dû fêter ses vingt ans en novembre prochain. Hayat, jeune étudiante en droit et native de Tétouan, a été fauchée accidentellement par les balles de la Marine Royale alors qu’elle tentait de traverser la Méditerranée afin de rejoindre l’Espagne. Ce drame, en plus d’avoir touché les Marocains, a mis le projecteur sur un phénomène qu’on feignait d’ignorer : la recrudescence des migrants irréguliers marocains en Méditerranée à destination de l’Espagne et plus globalement de l’Europe. Ainsi, selon les derniers chiffres rapportés par Frontex, au cours des sept premiers mois de 2018, il y a eu quelques «23 100 passages frontaliers irréguliers sur la route de la Méditerranée occidentale, soit plus du double par rapport à l’année précédente». Avec, en tête de liste, des ressortissants marocains, guinéens et maliens. Le tout, accompagné d’un phénomène nouveau : l’organisation de départs illégaux vers l’Europe sur les réseaux sociaux, et la diffusion de vidéos où les migrants eux-mêmes montrent leur périple. Une situation économique moribonde, l’augmentation du taux de chômage, ainsi qu’un contexte social et politique morose et tendu. Autant d’éléments qui font du royaume, qui reste malgré tout le « gendarme » des frontières de l’Union Européenne, en Méditerranée occidentale, un pourvoyeur important de migrants clandestins.
Politique migratoire en question
Après quelques jours de mutisme, le Maroc officiel, à travers plusieurs sources ont tenté d’apaiser les tensions attisées par la mort de Hayat. L’embarcation sur laquelle la jeune fille était a donc été qualifiée de « go fast », un terme normalement employé pour le trafic de drogue. Et le jeune officier, qui aurait tiré, a été présenté comme un homme dépassé et échaudé par une précédente «altercation» avec des migrants. Surtout, Khalid Zerouali, Wali, directeur de l’immigration et de la surveillance des frontières au ministère de l’Intérieur, a répondu à quelques interviews afin d’expliquer les mérites de la politique migratoire marocaine, et demander (à nouveau) un appui de l’Union Européenne. Avec un contingent de 13.000 hommes équipés et implantés sur le littoral nord, ce qui coûte environ 200 millions d’euros tous les ans, le Maroc affirme faire un travail efficace tout en étant dépassé par la pression migratoire. Khalid Zerouali a également mis en avant le travail effectué par le pays sur son propre sol : les retours volontaires et la régularisation de certains migrants. Un bon élève autrement dit, qui sollicite un soutien des Européens, le tout dans un contexte où le Maroc s’apprête à accueillir la conférence onusienne pour le Pacte mondial de la migration à Marrakech, en décembre prochain. Seulement voilà, comme d’autres pays, le Maroc effectue aussi une répression féroce vis- à-vis des migrants, récemment épinglés par un rapport du Gadem, intitulé Coups et Blessures.