La pandémie du coronavirus, qui frappe le Maroc et le reste du monde, nous rappelle ce qu’on avait oublié : l’Histoire n’est pas seulement la conséquence de l’Homme, de ses guerres, conquêtes, coups d’Etat. Lorsque la nature s’en mêle, les conséquences sont au moins aussi décisives. Les épidémies, en particulier, n’ont jamais raté l’occasion de faire basculer le destin des hommes…
Elles sont capables de tout. Modifier le visage d’un empire de plusieurs millions de kilomètres, faire chuter une dynastie, faire cesser des invasions, des guerres. Ou, comme en ce moment, confiner des milliards d’êtres humains et ralentir une économie mondialisée et interdépendante.
Les épidémies ne reconnaissent ni frontières, ni passe-droits. De tout temps, elles sont venues troubler une histoire, que les hommes aiment pourtant tant écrire de leurs mains. La première épidémie rapportée de cette ampleur remonte au Vème siècle avant J.C. Si les experts ne connaissent pas exactement la nature de la maladie (on parle le plus souvent d’une fièvre typhoïde), les historiens lui imputent le déclin de la brillante civilisation athénienne. La ville grecque y perd plus d’un tiers de ses 200.000 habitants. Un bilan tellement lourd qui ne permettra jamais à Athènes de retrouver son âge d’or. Dix siècles plus tard, apparait la «peste justinienne» qui porte le nom de l’empereur romain d’Orient. Lorsque la maladie frappe le bassin méditerranéen vers 542 après J.C, Justinien est sur le point de vaincre Rome, et donc d’unifier à nouveau l’immense empire qui a dominé la région durant tant de siècles. Sans doute, le cours de l’Histoire aurait été différent. Un peu plus de deux siècles plus tard, les premiers conquérants musulmans n’auraient peut-être pas fait le poids face à une telle entité… En Europe, la Grande Peste du Moyen Âge, qui s’étale dans le dernier quart du XIVème siècle, fait tellement de victimes (entre 25 et 35 millions de personnes) qu’elle invite toute la société occidentale à se réinventer. Lumières, conquêtes coloniales et Renaissances en sont les brillants rejetons. Au Maroc aussi, les épidémies ont fait de l’Histoire une roulette russe. Il suffit qu’un sultan périsse d’une maladie contagieuse pour que les cartes politiques soient aussitôt rebattues. Quelquefois, c’est même toute une dynastie qui est balayé par les virus et les bactéries. Les Watassides, par exemple, n’ont pas résisté à la peste du milieu du XVIème siècle. Ainsi, leur règne de moins d’un siècle est l’un des plus courts pour une dynastie marocaine. Les conséquences des épidémies, et plus largement des catastrophes naturelles, ne concernent pas qu’une situation politique à un moment précis de l’histoire. L’impact peut être lu d’une manière plus large. Le chercheur Mohamed Naciri conclut dans une étude à ce sujet : «À la fin du XVème siècle, la population marocaine ne dépassait pas 3,5 millions à 4 millions au plus. Au début du XIXème siècle, elle n’avait pas dépassé ce chiffre. Elle ne devait franchir ce seuil fatidique qu’à la fin du XIXème, et au début du XXème siècle. Cette faiblesse démographique est l’un des facteurs de la stagnation du pays pendant près de trois siècles».
Ce n’est pas seulement le Maroc, mais le monde entier, qui se retrouve face à un véritable défi, aujourd’hui, avec la propagation à une vitesse exponentielle du coronavirus.
Par la rédaction