Le scepticisme de l’ONU à l’égard du Maroc concernant le Sahara a duré des mois, voire des années. La toute dernière résolution relative à la Minurso adoptée par le Conseil de sécurité va cette fois nettement dans le sens du royaume. Décryptage d’un retournement de situation majeur.
Souvenez-vous. La retenue marocaine face aux milices du Polisario dans la zone agitée de Guergarat de décembre 2016 à janvier 2017. Le retrait unilatéral des FAR de cette même zone le mois suivant. Enfin, la non-intervention de Rabat face aux incursions et aux agitations polisariennes le mois dernier. La diplomatie de la sagesse a, semble-t-il, bien fini par payer. Comme chaque année, le mois d’avril est un rendez-vous diplomatique coché dans les agendas du royaume. Avec l’habitude, cette date où les 15 membres du Conseil examinent le rapport du secrétaire général de l’ONU et décident du renouvellement du mandat de la Minurso, est devenue redoutée. Pas cette fois. La nouvelle résolution, votée le 27 avril dernier, penche largement en faveur de la rhétorique de Rabat. Les termes utilisés dans le rapport sont désormais plus proches du vocabulaire marocain. à l’inverse, ils s’opposent frontalement au champ lexical utilisé à Tindouf et Alger. Lorsque le Polisario utilise le terme «libération» des territoires, l’ONU parle «d’incursions » et appelle à un «retrait immédiat» de la zone tampon située à la frontière mauritanienne. De même pour les tentatives de Brahim Ghali de transférer le «siège du pouvoir » et le « ministère de la Défense» de Tindouf à Bir Lahlou que l’ONU considère aujourd’hui comme une «action déstabilisatrice». Implicitement, le Conseil de sécurité pointe du doigt le Polisario comme le principal responsable des tensions vécues ces derniers mois dans la région. Par ailleurs, l’ONU appelle la Mauritanie, et surtout l’Algérie, à « effectuer une importante contribution » au processus politique. Une demande qui vient mettre en doute la neutralité évoquée par Alger dans le conflit du Sahara. L’implication des deux voisins dans le processus est une vieille demande de Rabat qui somme les deux pays à assumer leurs responsabilités. Le Conseil de sécurité de l’ONU a voté également en faveur de la prorogation du mandat de la Minurso pour une durée de six mois et non d’un an comme il en avait pris l’habitude. Interrogé à ce sujet, Abdelmajid Belghazal, professeur universitaire et spécialiste de la question du Sahara, estime que ce n’est pas une «nouveauté». Il précise que des «renouvellements de mandats de la Minurso n’ont pas excédé les trois mois entre 1998 et 2002». Pour Belghazal, ces délais réduits sont censés «maintenir la pression sur les belligérants». Mais il regrette que «cette fois, l’ONU ne semble pas préparer un plan efficace pour la résolution du conflit». à noter que trois pays, la Russie, la Chine et l’Ethiopie, se sont abstenus de voter en faveur de cette résolution. En coulisses, les Etats-Unis et surtout la France semblent être en revanche les artisans du retour du Maroc dans les bonnes grâces de l’ONU. Des relations de nouveau apaisées avec l’institution onusienne qui coïncident aussi avec les départs de Ban Ki-Moon du Secrétariat général et de son émissaire pour le Sahara occidental, Christopher Ross, l’été dernier. Une page qui semble bel et bien tournée.