Les échauffourées que la France a connues suite à la mort, à bout portant, par un policier du jeune Nahel Marzouk, seront un tournant dans l’histoire récente de ce pays, comme l’affaire Dreyfus, ou Mai 68. La France est face à une urgence, le retour au calme, mais cela n’aura pas à apaiser les esprits, si ce pays ne procède pas à un examen de conscience. Non pas tant pour redéfinir l’identité de la France, comme le voulaient des têtes pensantes quand deux fillettes à l’orée de l’année 90, tenaient à leurs fichus, et qu’elles furent interdites d’accès au lycée, mais pour définir un nouveau contrat social.
On ne peut bien sûr être indifférents à ce qui se passe en France et nous en tenir à la règle d’or, que ce qui s’y passe actuellement est une affaire franco-française, nous interdisant, par voie de conséquence, de nous y immiscer. Ce n’est pas possible tant nos faits et causes sont imbriqués. Peut-être par un lien culturel, et par la place qu’occupe la France dans l’échiquier international.
L’exercice du pouvoir s’apparente au magister du maître, et le bon maître est celui qui se remet en cause quand il n’a pas été compris ; le mauvais est celui qui s’en prend à ses élèves. Le problème de la France serait un manque d’autorité de l’état, un effilochement de l’éducation, et partant de l’autorité parentale.
Mais c’est un peu court comme explication. Car on ne peut rejeter la responsabilité sur l’Autre, si les séismes sociaux ne sont pas récurrents.
Les causes du mal français seraient, en partie, la démission de l’Etat, le rapport de la police avec les citoyens qui ne sont pas de souche, et puis, osons le mot, un apartheid de fait.
La mort de Nahel n’aurait pas autant causé d’embrasement si le terrain n’était pas inflammable. Ce n’était que l’étincelle qui a mis le feu aux poudres. Et il faudra se pencher sur la réalité, car le déni comme la colère ne sauraient être une politique.
Les Français n’aiment pas qu’on parle de racisme en France. Peu importent les qualificatifs si, dans les faits, il y a un clivage entre les Français de souche et les autres. Le discours de l’extrême-droite a le mérité de la clarté, dans celui de la droite le comportement fait office au discours. La gauche ou ce qui reste de la socio-démocratie, s’arcboute dans le déni. Et la structure des services d’ordre est irriguée par ces trois affluents, avec un rapport méfiant, voire méprisant, contre le Français qui n’est pas de souche.
Il est peut-être fondamental de rappeler quelques principes qui, dans l’imaginaire des non Français, font la France. La France est une idée, elle se fonde sur la déclaration des droits de l’homme et de citoyen, sa matrice est la liberté, l’égalité et…la fraternité.
Est-ce chimère que tout cela ? Serait-ce un fardeau dont la bien-pensance française voudrait se débarrasser pour vivre à la normale, comme toute nation lambda. Autant de questions sur lesquels politiques, intellectuels et chercheurs devraient se pencher, après le retour au calme. En effet les démocraties occidentales sont affrontées au spectre du «grand remplacement» qui nourrit la peur et la haine, ou la «grande expérience» selon le politologue américain (d’origine allemande) Yascha Mounk, c’est-à-dire faire accepter les nouveaux apports ethniques et culturels aux vieilles nations occidentales.
Par Hassan Aourid, conseiller scientifique de Zamane