Il a connu un destin hors du commun, mais demeure un personnage controversé. Mohamed Belkacem Zahraoui Meziane, cet enfant du Rif est le seul et unique musulman à gravir très haut les échelons de l’armée espagnole, un pays qu’il a servi pendant la Guerre du Rif puis la Guerre civile d’Espagne. Comment et pourquoi ? Récit.
À Notre Dame de la Victoire, l’Ecole Indigène de Melilla, un jeune garçon rifain, nommé Mohamed Meziane, brille par sa vivacité d’esprit. En plus de résoudre des problèmes arithmétiques complexes, il est également capable d’énoncer par cœur le nom des capitales, régions et rivières du continent européen. Un exploit qui rend son professeur, Abdelkrim El Khattabi, extrêmement fier. En ce jour de janvier 1911, justement, il s’agit d’épater l’auditoire: un invité de marque est attendu dans la classe ; c’est le roi d’Espagne Alphonse XIII, en visite officielle à Melilla, accompagné de plusieurs chefs de tribus, dont Meziane Belkacem, qui n’est autre que le père du petit Mohamed. Le roi, très certainement briefé quant aux capacités intellectuelles du garçon âgé de treize ans, décide pour la circonstance de lui poser cette question très banale : « Que souhaites-tu faire plus tard ? ». La réponse, du tac au tac : « Je veux être comme vous ! ». « Quoi, tu veux être roi ? », « Non, je veux être capitaine dans l’armée ».
Mohamed Meziane, «l’enfant prodige», était-il lui même briefé par son père ou bien a-t-il fait preuve d’une rafraîchissante spontanéité? Toujours est-il que sa sortie fait son petit effet ; le roi est soufflé par ce petit garçon qui n’a pas froid aux yeux. Avant de quitter l’école, Alphonse XIII fait une promesse au patriarche Meziane Belkacem : lorsqu’il atteindra seize ans, son fils deviendra le filleul du roi, obtiendra une bourse d’étude et sera reçu au sein d’une des académies militaires espagnoles, jusque-là exclusivement ouvertes aux chrétiens et fermées aux musulmans. Tout un symbole.
Par Nina Kozlowski
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