Les sanctuaires religieux n’étaient pas seulement des lieux de recueillement. À travers l’histoire du Maroc, ils joueront souvent le rôle de «hurms» inviolables, d’abris pour les persécutés, parfois même les malfaiteurs, au grand dam du pouvoir central.
En parcourant le pays au début du siècle dernier, le voyageur européen se trouvait en face d’un paysage parsemé de ces structures cubiques blanches surmontées de dômes verts. De quoi s’agit-il ? Des mausolées de saints certes, mais bien plus que cela ! C’est que les tombeaux des saints étaient aussi des lieux inviolables où l’on pouvait se réfugier sans être contrarié par son ennemi, ni même par les pouvoirs politique ou judiciaire. Faut-il parler de «droit d’asile» avant l’ère de la déclaration universelle des droits de l’homme ? Toutes les sociétés, même celles qu’on appelle « primitives », avaient leurs sanctuaires où la violence était interdite. En Afrique du Nord, les Amazighs ne toléraient pas qu’on perturbe les marchés hebdomadaires ou saisonniers, ainsi que les moussems (amuggars) où se déroulaient des activités économiques jugées vitales pour la société. Chez les tribus de l’Atlas, le sanctuaire était « un simple cercle de pierres », selon Jacques Berque, lieu sacré où l’on prêtait serment et où la communauté tenait des réunions solennelles sous le patronage d’un agurram. En Arabie pré-islamique, ces endroits sacrés portaient le nom de « haram » ou « hima ». Le plus célèbre est le haram de la Mecque qui, bien avant l’avènement de l’Islam, servait de territoire sacré sur lequel se tenaient des foires commerciales et ne pouvait en aucun cas abriter des hommes en armes. D’ailleurs, le hurm au Maroc allait être défini selon le modèle mecquois et les dahirs sultaniens, qui définissaient les limites et privilèges des lieux de refuge, faisaient souvent allusion au haram de la Mecque.
Par Mohamed El Mansour
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