Le changement n’est pas ce que nous conjecturons, mais c’est ce qui nous arrive. Tout est dit, depuis que le coronavirus a sorti ses crocs, et qu’il n’est plus ce danger lointain, ailleurs, qui ne frappe que les autres. Bouleversement depuis que nous sommes confinés. Est-il nécessaire de conjecturer davantage au risque de sombrer dans la redite ?
Rendons hommage, de prime abord, aux autorités, à quelque niveau qu’elles soient, pour l’anticipation, la mobilisation, l’abnégation. Honneur et grandeur à notre corps médical, à toutes les forces vives de la nation et à toutes ses composantes, qui ont fait preuve d’élan patriotique et de solidarité remarquable. Dans les moments difficiles, on a toujours besoin de ce giron qui nous materne, les pouvoirs publics ou l’Etat. Il y a de cela quelques années, un sage parmi les sages, Stéphane Hessel, disait que le scandale des scandales, était le démantèlement de l’Etat Providence. Le changement, vous dis-je, n’est pas ce qu’on pense, mais ce qui nous arrive. Mais quand on le pense au préalable, il devient aisé. Le confinement auquel nous sommes «logés» nous permettra de sortir d’un confinement plus grand, entretenu par nos œillères, notre aveuglément, d’illusions indispensables, comme dirait Chomsky, de fausses idées, aussi bien sur la sphère publique que sur le plan de la vie privée.
Mais faut-il conjecturer quand le mal est toujours là partout dans le monde ?
Nous nous en sortirons plus grands, car nous avons fait preuve du meilleur. Par l’élan de solidarité dont notre peuple a fait montre et sa mobilisation. Nous en sortirons plus trempés, certes affectés, mais non entamés.
Nous sommes les locataires d’un espace qui s’appelle la terre, dont les dangers ne connaissent pas de frontières. L’épreuve par laquelle nous passons commande un New Deal, pour mieux garder l’héritage que nous devons à nos enfants. L’humanité doit repenser le contrat qui la lie à la nature, et qui la lie entre elle, ou qui devrait la lier, et peut-être réfléchir sur les mécanismes qui devaient décliner son devenir commun. Nous sommes les récipiendaires d’un legs dans cet espace qui est le Maroc. Et ce legs, autant que le sentiment de projection dans l’avenir pour un destin commun qui fait une nation, doit nous inspirer pour faire preuve de davantage de solidarité et d’ingéniosité.
Le monde est un horizon, mais gardons le pied ferme, sur notre sol. Gardons l’espoir, malgré l’épreuve : nos habitudes bousculées, nos angoisses, nos craintes… Que cela ne doive nullement entamer notre moral, ni notre détermination quant à l’avenir.
On aurait certainement aimé être épargnés de cette épreuve, dans cette grande famille qui est l’humanité, mais tirons le meilleur d’elle.
Le monde est ébranlé par cette nouvelle «peste», alors qu’il avait pensé avoir jugulé les pandémies grâce au sésame de la science. Nous nous rendons compte combien nous sommes fragiles, et si nous le comprenons, ce sera une grande force.
L’honnête homme, disait le personnage Tartou dans «La Peste» de Camus, est celui qui n’infecte personne. «Il y a sur cette terre des fléaux et des victimes, et qu’il faut, autant qu’il est possible, refuser d’être avec le fléau ». Il ne faut pas être avec le fléau. Il faut emprunter, dit toujours le même personnage, le chemin de la paix, qui n’advient qu’avec la sympathie. Empruntons le chemin de la sympathie.
Oui, les grands changements commandent un prix. Pour élevé que le prix puisse être, il est dérisoire, si nous tirons l’essentiel de l’épreuve, notre devenir commun, et préservons les acquis.
Tout est récupérable dit la sagesse populaire, sauf la santé. La nôtre et celle de notre pays.
Par Hassan Aourid, conseiller scientifique de Zamane
Bravo prof hassan Ayouz nek