Victorieux de la bataille des Trois Rois (ou Oued El Makhazine), Ahmed El Mansour récolte un butin de guerre faramineux. Outre les armes, la rançon et les biens matériels, le Saâdien s’empare de dizaines de milliers d’esclaves. Leur sort va changer l’histoire du pays…
Le 4 aout 1578 est un tournant dans l’Histoire du Maroc. Elle consacre la dynastie naissante des Saâdiens (1554 -1636). Le Maroc gagne un nouveau prestige en Europe, et renforce sa position diplomatique et économique. Le bilan de cette bataille historique est décisif. Le jeune roi Sébastien perd la vie, ainsi que son allié marocain prétendant au trône Mohamed El Moutawakil. Les chroniqueurs de l’époque font également état de plus 20.000 prisonniers chrétiens, portugais, italiens, anglais et allemands. Ahmed El Mansour Eddahbi, devenu souverain à l’issu de la bataille suite à la mort de Abdelmalik, possède désormais un butin de guerre inédit. Parmi les prisonniers, des personnalités de haut rang dont les proches sont prêts à débourser des rançons considérables. Cependant, l’immense majorité des prisonniers, simples soldats ou écuyers, n’ont aucun moyen de se faire racheter. Pour eux, l’unique chance de survie est de se soumettre à la conversion à l’Islam. La manne financière n’est pas le seul atout offert au sultan El Mansour. Ces milliers de captifs chrétiens devenus musulmans sont, pour lui, source d’expertise militaire et logistique d’une grande valeur. Il fait de cette nouvelle caste un outil précieux pour moderniser son pouvoir. C’est à cette période qu’apparaît le fameux Makhzen. Il est en partie l’œuvre des captifs chrétiens de la bataille des trois rois. Le sultan saâdien offre aux captifs des soldes alléchantes et l’une de leurs principales missions est, en plus de constituer une garde impériale, de participer à l’extension de l’empire. C’est ainsi que la conquête de l’empire Songhaï dans l’actuel Mali en 1591. Cette mythique expédition est menée par le célèbre renégat d’origine espagnole Jawdar Pacha. Lorsqu’il mène cette offensive subsaharienne pour le compte du Maroc, cet homme est le principal général du sultan. Les renégats sont ainsi devenus incontournables dans les plus hautes sphères du pouvoir marocain.