Sur le promontoire du parlement, Réda Guédira, avait dit, à la fin des années 1970, sous forme de boutade : «Le Maroc n’a pas le pétrolemais a Hassan II». En tant que conseiller du roi, il était dans son rôle d’encenser son maître, mais il n’en exprimait pas moins une réalité sur les choix stratégiques opérés par le roi défunt : ne pas être adepte de l’école de la «pensée unique» d’abord. Le défunt monarque a su amorcer la modernisation au moment où les vents changeaient. Il avait condamné, le premier, le coup de force de Saddam contre le Koweït. La rue et les partis nationalistes étaient ailleurs. Force est de reconnaître que les bons choix stratégiques ont été imprimés aussi par Mohammed V, en appelant à la mobilisation aux côtés du monde libre pendant la deuxième guerre mondiale, et en refusant de cautionner les lois de Vichy. Même tendance sous le roi Mohammed VI qui, en visite à Nouakchott en septembre 2001, était le premier à avoir condamné l’attaque des Twins.
Nous sommes face à un nouveau monde où les choix diplomatiques sont décisifs. Ceux opérés par notre pays, qui s’inscrivent dans l’orientation atlantique, sont stratégiques. Nous ne sommes pas atlantistes que géographiquement. La géographie propose et le pays (ou ses élites) dispose.
Nous avons deux grands défis : le règlement définitif de la question du Sahara, et le développement de notre pays. Et je ne vois pas d’issue, pour ma part, en dehors de l’Occident et l’adresse de l’Occident, comme dirait Régis Debray, est la Maison Blanche. Il est en crise, l’Occident, mais il n’est pas fini.
Méprenez-vous, il trônera pour des siècles encore. Il dispose d’une force que peu de civilisations peuvent lui disputer : son universalisme qui peut, certes, s’apparenter au messianisme ou au paternalisme. Mais son universalisme n’est-il pas l’avatar de la dimension universelle du christianisme où l’Homme est à l’image de Dieu ?
L’autre grande arme de l’Occident, c’est sa faculté de se remettre en cause, ou son esprit critique. Aucune civilisation n’a érigé la liberté en valeur cardinale autant que l’Occident. On peut réussir des choses grâce à la discipline, ou la main de fer, mais on peut mieux les réussir, tout en préservant la joie de vie et sa dignité, en étant libre. Et l’autoritarisme n’a pas la vie longue.
Kundera qui vient de nous quitter aimait citer cette phrase de Rimbaud : «Il faut être résolument moderne». Le fin mot est dans «résolument»… La recette mi-figue, mi-raisin («bard ou skhoun a moulay Yacoub»), qui était bonne pour un moment, est mauvaise conseillère aujourd’hui.
Pardi, nous commençons à engranger les fruits des choix stratégiques opérés par notre pays. La reconnaissance de la marocanité du Sahara par Israël n’est pas que la reconnaissance d’Israël. L’administration américaine a, pour la première fois sous Biden, confirmé la décision de Trump.
Ceux qui s’opposent à notre intégrité territoriale et à notre développement, ne comptent pas et peuvent se permettre le luxe de rater les rendez-vous historiques. Et ceux qui remettent en cause les choix atlantiques, hypothèquent notre intégrité et notre développement. «À friend in need is a friend indeed». Le reste c’est de la littérature, ou plutôt «history», comme disent les Américains.
Par Hassan Aourid, conseiller scientifique de Zamane