Du 13 au 16 mars, Mohammed VI a effectué un voyage officiel au pays des tsars, le second depuis 2002, où il a rencontré Vladimir Poutine. Les contours d’une visite très stratégique
Cinquante ans après le premier voyage de Hassan II en Russie, Mohammed VI s’est lui aussi rendu à Moscou accompagné de neuf ministres et de son conseiller, Fouad Ali El Himma. Une visite programmée depuis deux ans mais repoussée à deux reprises, officiellement pour « problèmes d’agenda », officieusement à cause de pressions émanant de Bruxelles et Washington, contrariés par la crise ukrainienne. Alors que le royaume n’avait pas dénoncé l’atteinte à l’intégrité territoriale de l’Ukraine, ses alliés traditionnels, l’Union Européenne et les Etats-Unis en tête, lui ont d’abord demandé de se positionner franchement pendant l’été 2014. Selon un compte-rendu de Menouar Alem, diplomate marocain auprès de l’UE, repris par un site d’information marocain, Rupert Joy, chef de la délégation européenne, aurait même demandé le report de la visite royale à Moscou, qui était prévue en octobre/novembre 2014. Mais c’est justement à cause de ses relations torturées avec ses alliés de toujours que Mohammed VI a décidé de diversifier ses alliances et tenter un rapprochement avec Vladimir Poutine, présent en force sur la scène internationale. Le but ? Obtenir de nouveaux soutiens pour affirmer la souveraineté du Maroc sur le Sahara, dans un contexte de crise avec l’UE et de conflit ouvert avec Ban Ki-moon, secrétaire général de l’ONU. Cela dit, la Russie peut-elle être un allié crédible du Maroc sur le dossier du Sahara alors qu’elle est proche de l’Algérie depuis la Guerre froide (80% des armes de l’Algérie proviennent de Russie) ? Eh bien, il semblerait que, comme Hassan II en son temps, qui jouait à l’équilibriste entre la Russie et les Etats-Unis jusqu’aux années 1990, Vladimir Poutine ait adopté la même attitude. Sur le Sahara, il est partisan du « ni-ni » (ni référendum, ni plan d’autonomie) mais pourrait garantir un gel du dossier à l’ONU, le temps pour le Maroc de mener des actions fortes et irréversibles dans les provinces du sud. La visite de Mohammed VI en Russie a par ailleurs été l’occasion de signer plusieurs conventions bilatérales essentiellement liées aux échanges économiques. L’objectif étant d’augmenter les bénéfices et de permettre au royaume de les réinvestir dans ses régions, notamment celles du sud. S’il ne s’agit pas d’un tournant historique, il s’agit bel et bien d’un tournant stratégique.