La plus grande catastrophe naturelle qu’a connu le Maroc au XXème siècle a suscité l’émoi de la communauté internationale. Dans la foulée de séisme, plusieurs pays ont prêté main forte au royaume…
Quinze secondes suffisent, en cette nuit du 29 février 1960, à provoquer l’apocalypse. La population effrayée ne peut compter sur les secours d’urgence. Les casernes des pompiers, des gendarmes et les hôpitaux sont en ruines. Leur seul espoir se situe à six kilomètres de la ville, dans la base aéronavale de l’armée française, restée intacte et dotée de groupes électrogènes pouvant pallier la gigantesque coupure de courant qui paralyse Agadir et ses environs. Plus de 1500 éléments de la Marine sont prêts à intervenir pour porter secours aux sinistrés. Les premières vingt quatre heures témoignent d’un élan de solidarité qui transcende les nationalités et les religions. Il faut dire que la ville d’Agadir est en soi une vitrine d’un Maroc moderne, ouvert sur le monde. Elle compte diverses communautés qui vivent aux côtés des Marocains. Français, Espagnols, catholiques et juifs sont tous victimes de la tragédie. Les autorités marocaines, dans un premier temps démunies face à l’ampleur du séisme, se font suppléer par des Français et des Américains. Plus tard, des secouristes allemands, italiens et espagnols participent aux opérations de sauvetage, de soins et de déblayage. Le monde entier est ému et des messages de solidarité abreuvent le royaume. Les plus influentes personnalités du monde présentent leurs condoléances au souverain, à l’image de la Reine d’Angleterre, du Shah d’Iran ou encore du pape Jean XXIII. Mais c’est avec les Etats-Unis et surtout la France, dont les rapports avec le Maroc sont houleux, que les signes d’affection se multiplient.
Willy Cappe, journaliste français résidant à Agadir au moment des faits, est l’auteur du livre le mieux documenté sur le séisme d’Agadir. Dans « Agadir 29 février 1960, histoire et leçons d’une catastrophe », il décrit l’assistance américaine : «Le croiseur américain Newport New fournissait à lui seul 100 tonnes d’eau potable par jour. L’aide américaine était complétée par l’envoi d’une compagnie du génie partie d’Allemagne avec son matériel. Les avions militaires américains évacuaient sans cesse blessés et rescapés. L’U.S Army avait également fourni des tentes en nombre suffisant pour loger trois mille six cents personnes, vingt-cinq mille dollars de médicaments, douze tonnes de vivre, quinze cents lits de camp et trois mille cinq cents couvertures». A son arrivée au lendemain de la catastrophe, Mohammed V est lui-même surpris de l’engagement des Américains, dont il s’est pourtant toujours méfié : «Quand je suis arrivé sur les lieux, nos amis étaient déjà au travail sur les ruines. Les Américains savent comment devenir un miracle d’étonnement». Quelques mois plus tard, son successeur, le roi Hassan II, se rapproche de Washington et finit par s’aligner sur la politique de l’Ouest. Quant à la France, le rapprochement est encore plus spectaculaire. Paris et Rabat traversent des crises récurrentes depuis 1956. Avion détourné, essais nucléaires au Sahara, et la question mauritanienne sont autant d’exemples d’empoisonnement des relations franco-marocaines. Là encore, les messages poignants de Charles De Gaulle suite au séisme et la reconnaissance du Maroc envers la France viennent aplanir les tensions. Le prince Moulay Hassan a même ce bon mot envers les marins français, premiers secouristes arrivés à Agadir : «Ce serait faire injure à la Marine que de la remercier, je suis simplement ému de ce que vous avez fait; le Maroc vous doit beaucoup».