Le 16 juillet 1212 se tient la bataille de Las Navas de Tolosa dans le sud-est de la péninsule ibérique. L’armée Almohade débarquée du Maroc y essuie une défaite face à la coalition chrétienne. Alors puissance dominante en Afrique du Nord mais aussi dans Al Andalous, ce revers renverse le rapport de force entre Orient et Occident. De conquérant, le Maroc devient terre de conquête…
Si les conquêtes chrétiennes s’achèvent avec la chute de Grenade en 1492 et se poursuivent au-delà du détroit de Gibraltar, elles débutent en réalité à Las Navas de Tolosa un certain 16 juillet 1212. Les vagues de migrations juives et chrétiennes qui fuient les terres d’Al Andalus modifient profondément le visage de la population marocaine. Une certaine résignation du déclin est consentie au point que la religiosité même du Maroc en est affectée avec le développement du soufisme. Le pays, sur la défensive, devient un terrain fertile pour l’établissement d’une nouvelle forme de gouvernance basée sur le mouvement soufi et sur la légitimité des chorfas, descendants du prophète. La nouvelle supériorité chrétienne renforce la mystique d’une baraka et transforme pour longtemps la religiosité politique au Maroc. A Las Navas de Tolosa, les armées chrétiennes tiennent enfin la bataille décisive qu’ils attendent depuis quatre siècles et l’entrée des musulmans en Espagne. Elle est un véritable tournant qui modifie en quelques heures le rapport de forces entre musulmans et chrétiens dans le bassin méditerranéen. Le succès des croisés en ce 16 juillet 1212 a été minutieusement préparé par les puissances européennes encouragées par le Vatican. Car avant qu’ils ne décrètent l’union sacrée contre les musulmans, les royaumes chrétiens de Leon, Portugal, Aragon, Castille et Navarre se sont longtemps embourbés dans des conflits fratricides qui leurs coûtent la bataille d’Alarcos en 1195. A cette date, les troupes almohades viennent une nouvelle fois prouver leurs supériorités militaires à leurs ennemis en même temps que celles de Saladin qui reprend Jérusalem en 1187. Ces revers des armées de la croix et la trêve signée dans la foulée avec les musulmans offrent l’occasion aux royaumes chrétiens de revoir leur stratégie. Ils multiplient les ordres militaires et, sous les exhortations du pape, réussissaient à rassembler leurs forces. Lorsque la trêve avec les Almohades est rompue en 1210, les hostilités reprennent dans Al Andalus. De leur côté, les maîtres du Maghreb occidental font face aux incessantes rebellions des grandes cités d’Al Andalus et subissent une centralisation politique et administrative qui ralentit l’empire. Toutefois, le sultan Mohammad Al-Nasir (1199-1213) est confiant en rassemblant ses troupes à Marrakech pour entamer la traversée du détroit de Gibraltar au printemps 1212. A l’été, les deux armées sont prêtes à en découdre. La victoire des armées chrétiennes précipite la chute de l’empire almohade qui cède en 1244. Les conséquences sont majeures dans l’histoire du Maroc puisque Las Navas sonne le glas du prolongement de l’empire à Al Andalus. La Reconquista est en marche et se poursuit avec les raids des ibères sur les côtes marocaines. La prise de Sebta en 1415 est la première conséquence de ce retournement de situation, demeurée figé jusqu’à nos jours.