Historienne espagnole de renom, Maria Rosa de Madariaga a longuement étudié les relations maroco-espagnoles, surtout à l’époque contemporaine, dans le Rif. Pour Zamane, elle revient sur son parcours et sur les résultats de ses travaux.
Vous êtes historienne mais n’êtes rattachée à aucune université. Pourquoi cette singularité ?
C’est tout simplement le hasard de la vie… Je suis allée en France préparer une thèse avec le professeur Pierre Vilar et j’ai mis longtemps à la finaliser, car je travaillais en même temps à l’Unesco. C’est une thèse intitulée L’Espagne et le Rif : pénétration coloniale et résistance locale.
Comment le Rif s’est-il imposé à vous comme sujet de recherche privilégié ?
C’est lié au personnage de Abdelkrim El Khattabi. J’ai demandé une fois à ma mère qui était Abdelkrim. Elle m’a répondu que c’était un chef rifain qui s’était soulevé contre l’occupation espagnole. Et elle a ajouté : « S’il avait vaincu, nous n’aurions pas eu Franco ». Ces propos m’ont marquée. Il faut dire aussi que j’étais profondément anticolonialiste. Dans les années 1970, j’ai par exemple activement milité contre la guerre du Vietnam. Voir que l’Espagne avait maté un des premiers mouvements anticoloniaux ne pouvait qu’attiser ma curiosité.
L’anti-franquisme qui vous anime est-il un héritage familial ou le fruit d’un itinéraire personnel ?
J’appartiens effectivement à une famille libérale, au sens anglo-saxon du terme. Mes parents n’étaient certes pas communistes, mais républicains modérés. Ils ont pris parti au moment de la guerre civile. J’ai également un oncle qui était ministre de la république et qui a été ambassadeur auprès de la Société des Nations. Ma famille n’était pas vraiment de gauche. Il s’agissait plutôt d’un milieu bourgeois, progressiste et intellectuel. Ils refusaient l’obscurantisme et, tout en respectant la religion, s’opposaient à son emprise sur la société espagnole.
Propos recueillis par Mostafa Bouaziz
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