Il a traversé le siècle passé et empiété sur le présent, connu les réussites du Maroc et ses échecs, côtoyé les hommes d’Etat et Hassan II, Bouabid et Allal El Fassi… Voyage à travers le parcours unique de M’hamed Boucetta, qui vient de rendre l’âme à l’âge de 92 ans.
M’hamed Boucetta tire sa révérence, et c’est tout un monde qui se dépeuple. Celui qui était dans la politique avait l’art de modéliser des problèmes complexes avec son art de la narration. Il aimait raconter cette anecdote à l’adresse de Mohamed Bensaïd Aït Idder, au début de la Koutla. Il y avait une fois, disait Boucetta, sans un brin de plaisanterie, un bougre marrakchi, que son fils avait mis en garde contre les flics en civil. L’homme se rend au hammam et, dans la pièce chaude (tafdna), quelqu’un l’aborde et laisse transparaître ses appréciations : la pièce est chaude. Le bougre, pensant à un traquenard, répond tout de go : «Qu’elle soit chaude ou froide, Yahya al Malik». C’était pour Boucetta une manière de dire qu’il y a une constante chez lui : vive le roi. Ce grand politique, qui avait l’étoffe d’un sage, était taillé de plusieurs contradictions qu’il a su rendre fécondes. Marrakchi, originaire de Fès, nationaliste, d’une famille makhzénienne, arabisant et francophone à la fois, pétri de culture andalouse, mais conscient du substrat amazigh de la culture marocaine, il avait des relations très étroites avec feu Hassan II, qui ne lui avait pas pardonné de s’être acoquiné avec la Koutla et surtout d’avoir décliné son offre de présider le gouvernement en 1993. Peut-être même qu’on lui aurait reproché, lors d’une émission avec feue la journaliste Malika Malak, de dire le roi au lieu de «Sidna».
Par Hassan Aourid
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