Gilbert Trigano, le fondateur de Club Méditerranée, a vite repéré le potentiel du Maroc pour installer ses « villages ». Avec l’appui des autorités, dès les années 1960, il en lance un peu partout. Aujourd’hui, il n’en reste que six, mais plus luxueux.
Tout le monde est gentil au Club Med. Il y a les gentils membres (GM) et les gentils organisateurs (GO). Et puis « y’a du soleil et des nanas, darla dirladada », comme dit la chanson du film-culte Les Bronzés, qui parodie l’esprit des clubs de vacances des années 1960 et 1970. A la même époque, le fondateur du Club se projette déjà au Maroc. « En fait, peu après le séisme de 1960, Gilbert Trigano, fondateur du Club, est sur place à Agadir, raconte Vincent Brotons, directeur général de Club Med Maroc. Il est à la recherche d’un lieu où son entreprise pourrait exploiter toute l’année un complexe de vacances. Le climat d’Agadir lui semble idéal. Au même moment, Hassan II, pariant sur l’avenir, sait que la cité meurtrie renaîtra de ses cendres. L’entente entre les deux hommes est immédiate, et le projet commence ».
Avec la bénédiction du roi
C’est alors qu’en 1963, Trigano choisit d’installer son premier village à… Al Hoceïma. Ce n’est que trois ans plus tard qu’il retourne à Agadir pour lancer le premier village-hôtel au Maroc (classé « 3 tridents » sur une échelle de 5). Cet endroit est bourré de symboles. D’abord, il a été construit en dur, quelques années seulement après le tremblement de terre de 1960. Ensuite, il est le premier village à ouvrir ses portes toute l’année. Le développement de l’aérien aidant, avec la naissance de l’aéronef « Caravelle », le village commence à attirer les politiciens et les artistes. « Et la renommée va perdurer avec des chefs de village prestigieux, comme Pierre-Jean Laplace », précise Brotons. Les Marocains, eux, ne commenceront à fréquenter le Club qu’au début des années 1970. En 1999 et 2005, le village de la Perle du Sud est rénové. « Aujourd’hui, il fait figure de modèle dans sa catégorie, résolument tourné vers tous les sports : trois parcours de golf – considérés comme parmi les meilleurs du continent africain -, une école de tennis et des stages d’équitation », indique un spécialiste du tourisme. Grâce à tout cela, son taux d’occupation a avoisiné 85% en 2009. Le pari des patrons du Club est donc réussi. Très tôt, ils vont même engager des Marocains qui partageant les vacances des adhérents à des postes de GO, mais aussi de chefs de service et chefs de village.
Pas de séjour long pour les Marocains
Une fois acquis le succès du concept, il faut se développer. Les responsables du Club établissent de bonnes relations avec les hautes autorités, qui leur facilitent la gestion des villages. Le Maroc devient une destination de choix, au point que Club Med inaugure successivement plusieurs villages : Ouarzazate (1967), Tanger, deux à Tétouan (1968 et 1970), Marrakech (1971), El Jadida (1994)… Le succès de Marrakech nécessitera d’y ouvrir deux autres filiales en 2004 et en 2005, dont une de luxe. Catherine Dupont, ex-GO française née à Casablanca, qui était au Club Med d’Agadir au cours des années 1970, raconte qu’« il y avait des GO marocains, bien sûr, et certains sont devenus chefs de village dans d’autres clubs. Les clients habitant au Maroc pouvaient venir au Club, mais pas pour des séjours prolongés. L’ambiance était géniale, touristes et marocains s’entendaient très bien. Les clubs d’Agadir, Ouarzazate et Marrakech étaient les plus convoités. Les GM trouvaient ce qu’ils venaient y chercher : le soleil, le farniente, mais aussi les excursions, l’hospitalité légendaire des Marocains ». Au fil des années, alors que l’organisation du Club connaît des changements, sa stratégie change aussi au Maroc. Des villages ferment (à Al Hoceïma, Ouarzazate, Tanger et El Jadida), tandis que le groupe se recentre sur des villages stratégiques. Certains sont rénovés alors que d’autres sont carrément créés. « Tout ceci mènera à une hausse de la fréquentation des villages marocains de 38% entre 2004 et 2007 ». Le cas de Marrakech est le plus parlant. En 1999 et 2004, le vieux village de vacances Médina, dans un site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, est rénové et monte en gamme. Son taux d’occupation atteint les 76% en 2009. En 2002, alors que le secteur du tourisme international n’est pas au mieux, Club Med décide néanmoins de lancer les travaux du site de la Palmeraie, la touche sportive du Club dans la ville ocre. Trois années plus tard, dans le cadre de la nouvelle stratégie du Club, le Riad est lancé. Avec ses « 5 tridents », c’est le luxe ! « Les clients du Riad bénéficient d’un niveau de service et de confort exemplaire. Cela aura été le laboratoire du Club Méditerranée pour préparer l’ouverture en août 2007 du premier village 5 tridents à Albion, sur l’Ile-Maurice », souligne un responsable de l’entreprise. L’expérience Club Med au Maroc est aujourd’hui concentrée sur six villages : sur la Méditerranée, Smir et Yasmina (en pleine rénovation, il rouvrira ses portes en juillet 2011) ; sur l’Atlantique, Agadir; et ses trois villages de Marrakech : Médina, Palmeraie et Riad. Mais on n’est plus dans l’ambiance des Bronzés : les vacances « tout compris » sont maintenant haut-de-gamme et multiculturelles…
Par Yassine Alami