Les survivantes à la traque contre l’opposition durant les années de plomb n’ont que leurs voix pour la torture qu’elles ont subie. Le livre Atlassiyate de Fatna El Bouih et Youssef Maddad rassemble les témoignages documentés de femmes meurtries qui ont vécu le soulèvement du Moyen-Atlas.
« Nous avons perdu tout ce qui aurait permis à notre être de garder ses repères (…) Nous avons été rayées de la carte (…) Nous sommes la mémoire d’une époque dont nous avons été les témoins ». Ces mots sont ceux de Fadma Ameziane, rapportant de vive voix ce qu’elle a vécu, ou plutôt ce à quoi elle a survécu durant ses deux détentions, l’une en 1972 et l’autre en 1973. Elle a été arrêtée à la suite des évènements de Khénifra, au moment où les régions du Moyen-Atlas connaissaient un soulèvement armé. Pour mettre en contexte l’évolution des faits du 3 mars 1973, les auteurs du livre évoquent comment l’aspiration au changement dépasse parfois toute concession, ne laissant aux populations que le choix des armes. C’est ainsi que nombre d’habitants des régions du Moyen-Atlas se sont organisés pour créer des foyers de guérilla dans plusieurs villes et villages. La théorie du foco explique en effet cette situation, où la coordination des luttes armées dans différentes régions devient un moyen d’aboutir au soulèvement. C’est ce qui est arrivé lors des évènements de Khénifra. En revanche, les opérations n’ont pas abouti et la sanction a largement dépassé l’inhumain. Évidement, qui dit prison dans les années 1970 au Maroc, dit aussi les pires sévices et autres tortures impensables. Parmi les personnes qui ont payé le prix de cette action armée, on retrouve Bouyeqba M’hamed Oussaleh, époux de Fadma Ameziane. Les deux détentions de Fadma n’ont aucun lien avec une quelconque action politique dans laquelle elle se serait engagée, mais elles sont plutôt liées aux activités de son mari. Plus loin dans le récit, son témoignage, parmi d’autres, montre la face cachée d’une véritable cruauté, pensée au détail près.
Par Ghita Zine
Lire la suite de l’article dans Zamane N°52